L’agriculture bio trace son sillon

Par Bioalaune publié le

Face à l'immense potentiel commercial de l'agriculture biologique, les producteurs d'engrais chimiques - qui autrefois empoisonnaient la terre - se lancent aujourd'hui sur ce marché prometteur. PT Pupuk Kalimantan Timur a construit dans l'est de Java une usine d'engrais bio d'une capacité annuelle de 3 600 tonnes, sous la marque Zeorganik. Dans un futur proche, ce conglomérat espère en produire jusqu'à 10 000 tonnes par an. PT Pupuk Sriwijaya a lui aussi développé un secteur d'engrais bio dénommé Pusri Plus, qui aurait pour vertu d'améliorer la texture et la structure de la terre grâce à ses compléments, fixateurs de nitrogène et solvants de phosphore et de calcium. Après avoir construit une usine à Palembang (Sumatra), en 2005, Pusri a développé à Cianjur (Java-Ouest), à Lumajang (Java-Est) et à Sragen (Java-Centre) des succursales dotées d'une capacité annuelle de 3 000 tonnes chacune. Quant au conglomérat Petrokimia Gresik, il possède déjà quarante usines d'engrais bio, la plupart à Java, sous la marque Petrorganik, avec une capacité totale annuelle de 400 000 tonnes. Vingt-trois autres unités de production sont en cours de construction sur d'autres îles.

Les engrais constituent un enjeu commercial énorme. Selon les données de l'association des producteurs indonésiens d'engrais, la consommation nationale s'est élevée en 2008 à 5 699 951 tonnes. Pour les engrais bio, il n'existe pas encore de chiffres fiables à l'échelle nationale. Mais, avec la prise de conscience grandissante des agriculteurs sur les bienfaits de ce mode d'agriculture et le mouvement Go Organik 2010, lancé par le gouvernement, les perspectives sont prometteuses. D'autant plus que la Chambre des représentants du peuple vient d'allouer, sur proposition du ministère de l'Agriculture, une enveloppe de 444 millions d'euros au développement des engrais organiques. Serait-ce l'annonce d'un bon vent pour le mouvement des agricultures bio en Indonésie ? Selon W. Riyanto, un agriculteur bio du centre de Java, les engrais bio fabriqués par les usines créeront une nouvelle dépendance des paysans vis-à-vis de l'extérieur. "C'est comme une nouvelle drogue. Elle semble bonne, mais elle nous rendra accros comme les autres, dit-il. Les paysans possèdent tout ce qu'il faut pour fabriquer eux-mêmes leur engrais à moindre coût. Ce dont ils ont besoin, c'est d'apprendre à se prendre en charge." Fransiscus Wahono, directeur d'une association d'aide aux villages face à la mondialisation, estime que l'entrée des conglomérats sur le marché des engrais bio est une tentative de piratage du mouvement bio. L'agriculture bio ou conventionnelle est un choix technologique. "Le bio n'est qu'une partie du mouvement d'autonomie des paysans, dont la condition fondamentale est la réforme agraire, afin qu'ils puissent enfin réguler eux-mêmes le marché de leurs denrées agricoles."

Enday, un agriculteur bio de Java-Ouest, raconte qu'au cours des stages de formation à l'agriculture bio les paysans se voient offrir à titre promotionnel des engrais bio fabriqués en usine et prêts à l'utilisation. "Si le gouvernement veut vraiment éduquer les paysans, pourquoi ne leur apprend-il pas à fabriquer eux-mêmes leur engrais bio en leur proposant une aide financière ?" s'interroge-t-il. "Plutôt que de subventionner des usines pour qu'elles fabriquent des engrais bio, pourquoi ne pas donner ces usines aux paysans ?" suggère To Suprapto, un militant du mouvement agricole bio.

Avec la hausse du prix du pétrole, le coût pour subventionner les engrais chimiques est de plus en plus élevé. Le ministre de l'Agriculture, Anton Apriyantono, a déclaré que, pour couvrir tous les besoins en engrais chimiques, la facture pourrait s'élever à 1,7 milliard d'euros. C'est pourquoi, pour 2010, le gouvernement a décidé de réduire la subvention des engrais chimiques à 809 millions d'euros, contre 1,25 milliard d'euros l'année précédente. Les 441 millions d'euros ainsi économisés serviront à subventionner les engrais bio.

courrierinternational.com - 07.10.2009 | Ahmad Arif | Kompas