Pourquoi il faut changer régulièrement sa coupe menstruelle ou son tampon, qu’il soit bio ou non

cup, coupes menstruelles et tampons
Syndrome du choc toxique : changer sa cup et son tampon régulièrement, qu'il soit bio ou non
Par Elodie-Elsy Moreau publié le
Rédactrice en chef
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Une nouvelle étude française, réalisée par des chercheurs du centre national de Référence des Staphylocoques des hospices civils de Lyon, et publiée dans la revue scientifique Applied and Environmental Microbiology, révèle que les tampons bio et les coupes menstruelles ne réduisent pas plus le risque de choc toxique comparés aux tampons classiques. Quel que soit le mode de protection choisi, un seul mot d’ordre donc : respecter des règles d’hygiène strictes.

Les tampons hygiéniques en coton bio ou les coupes menstruelles sont communément perçus comme étant plus sûrs que les produits classiques. Il est vrai que la composition des tampons bio, plus naturelle, en coton 100 % biologique ou encore sans plastique est rassurante. L’enquête sur la sécurité des produits d'hygiène féminine, publiée en 2017 par la DGCCRF* a d’ailleurs confirmé les résultats de l’étude de 60 Millions de consommateurs, publiés un an plus tôt.
Sans citer les marques testées, la DGCCRF indiquait que la majorité des protections féminines étaient contaminées par des substances toxiques. Dans 6 références de tampons, des traces de dioxines, de furanes et de composés organiques halogénés extractibles (EOX) ont été retrouvées. Si une seule référence bio présentait des traces d'un dérivé du glyphosate, la majorité des protections biologiques sont épargnées par le phénomène, et heureusement ! Toutefois, les tampons bio et les coupes ne protègeraient pas plus du syndrome du choc toxique, indique une nouvelle étude française menée par Gérard Lina, professeur de microbiologie à l’université de Lyon. "On entend souvent que les tampons en coton bio ou les coupes menstruelles sont nettement mieux, mais concernant le risque de choc toxique, les résultats sont similaires aux protections intravaginales classiques", indique le biologique que nous avons contacté par téléphone.

"Le but n’est pas d’alarmer les consommatrices, comme on a pu le lire dans certains médias, ou de leur dire de ne plus utiliser ces produits, mais simplement de les informer afin qu’elles utilisent correctement leurs protections hygiéniques", précise-t-il.

Pourtant, à l’origine, les conclusions de l’étude indiquent bien que les chercheurs "ont observé une croissance de staphylococcus aureus et une production de toxines plus élevées dans les coupes menstruelles que dans les tampons, potentiellement en raison de l'air supplémentaire introduit dans le sac par les coupelles, avec des différences basées sur la composition et la taille des coupes". Autre élément avancé par l’étude : "certains tampons auraient un effet protecteur. Cela serait principalement lié à la densité de leurs fibres : "la plupart des tampons réduisaient la croissance de S. aureus et la production de la toxine responsable du choc toxique, avec des différences selon la marque et la composition".
Aujourd’hui, le docteur Lina tempère quelque peu cette conclusion. "La composition des tampons, bio ou non, n’a pas d’impact sur la physiologie du staphylocoque", nous indique-t-il. "C’est la même chose ! Ni pire ni meilleur ! De même avec les coupes. La protection périodique interne augmente le risque de choc mais il n’est pas possible de savoir à l’heure actuelle si un mode de protection est plus à risque qu’un autre.Au final, tout cela semble encore assez flou…

Concernant l’absence de pesticide des protections bio, le docteur Lina indique ne pas avoir étudier le sujet, et estime ne pas être "spécialiste" pour se prononcer sur cette question. Néanmoins, on peut penser que limiter une telle exposition ne peut être que bénéfique. Si la DGCCRF a jugé qu’il n’y "aucun danger grave et immédiat", les dioxines et les HAP sont des polluants pouvant agir tels "des perturbateurs endocriniens potentiels", et ce, même à faibles doses, soulignait 60 millions de consommateurs dans son enquête.

Une étude expérimentale réalisée in vitro

Cela fait plusieurs années que le professeur Lina tente de comprendre les causes du choc toxique. A l’automne 2016, le laboratoire lyonnais a lancé une collecte de tampons usagés. Les chercheurs ont reçu 700 échantillons qu’ils ont pu étudier.
Pour mener à bien cette nouvelle recherche, les scientifiques ont testé onze types de tampons et quatre coupes menstruelles en laboratoire afin d’analyser leur impact sur le développement du staphylocoque doré. Ils ont ainsi placé durant huit heures, les tampons et les coupes dans des sacs en plastique. Ils ont ensuite injecté du liquide et une trace de bactérie prélevée sur une patiente ayant subi un choc toxique en 2014. "Il s’agit d’une étude expérimentale, réalisée in vitro. Nous avons constaté que les tampons en coton biologique ont les mêmes effets que les autres vis-à-vis de la croissance du staphylocoque doré", précise l’auteur principal de l’étude.
Un point que rejette formellement Lauren Tookey, responsable marketing France de Natracare, marque de protections féminines bio et véganes. "En trente ans, il n’y a aucun cas de TSS (syndrome de choc toxique) lié à l’usage d’un tampon Natracare, tandis qu’il y a plusieurs cas de TSS liés aux usages des autres marques de tampons classiques". Mais bio ne voudrait pas dire 0 risque. "Nous avons eu à déplorer des cas de choc toxique avec des tampons bio en coton", nous précise Gérard Lina. 
Néanmoins, Lauren Tookey assure que "chaque lot de tampons Natracare est analysé microbiologiquement pour lutter contre la présence de staphylocoque". Elle indique également que sa société a demandé l’avis de Dr. Philip M. Tierno, microbiologiste et chercheur à l'université de New York, aux Etats-Unis, qui s’est penché sur les causes du choc toxique. "Je travaille sur le sujet depuis 1980, et je n’ai jamais vu aucun cas de choc toxique chez une femme qui utilise des tampons uniquement 100 % coton. Il faut garder à l’esprit le fait que les substances chimiques dans les tampons, tels que les déodorants, sont neutralisés en présence de sang. C’est l’environnement physico-chimique créé par le tampon synthétique qui provoque la production de toxines. Il y a au moins une douzaine de facteurs qui sont clairement différents entre les fibres en coton comparés aux fibres synthétiques, plus favorables pour la production de TSST-1", leur a-t-il précisé par mail.
Selon cet expert américain, une analyse comparative plus approfondie permettrait d’apporter un meilleur éclairage. 

Syndrome du choc toxique : le cas Lauren Wasser

Pour le mannequin Lauren Wasser, victime d’un choc toxique en 2012, la composition des tampons n’est certainement pas étrangère à ce syndrome. Amputée il y a cinq ans de sa jambe droite suite à cette infection, elle a révélé en novembre 2017, dans une interview accordée au site Instyle qu’elle pourrait bien perdre sa deuxième jambe. "Dans quelques mois, je vais inévitablement être amputée de mon autre jambe. Je ne peux rien y faire. En revanche, je peux apporter mon aide afin que cette situation ne se reproduise plus, comme le fait la députée Carolyn Maloney". Cette sénatrice démocrate travaille sans relâche afin de faire adopter le Robin Danielson Act, une loi qui tire son nom d’une femme ayant perdu la vie suite à un syndrome du choc toxique en 1998. Cette mesure exige que les marques de produits d'hygiène féminine divulguent les composants de leurs tampons et leurs effets à long terme sur la santé.

Malheureusement, "le projet de loi a été rejeté 10 fois. Considérant que le vagin est la partie la plus absorbante du corps d'une femme et constitue une porte d'entrée vers plusieurs de nos organes vitaux, il est crucial que les consommateurs sachent ce qui pourrait leur arriver. Il est temps que nous, en tant que consommateurs, demandions des produits plus sûrs et plus de transparence sur ce qui se passe dans nos corps", a expliqué la jeune femme dans les colonnes du magazine.

Une maladie rarissime mais très grave

Le syndrome du choc toxique survient chez les femmes en bonne santé colonisées par voie vaginale par le staphylococcus aureus produisant une toxine. Une affection rare qui intervient après l’utilisation de protection intravaginale tels que des tampons ou des coupes menstruelles. Rappelons que ce microbe est présent chez de nombreuses personnes sans que cela ne pose problème. Néanmoins, en cas d’infection, la maladie peut être potentiellement mortelle ou nécessiter une amputation, comme ce fut le cas pour Lauren Wasser.

"On estime à 4 % le taux de femmes porteuses de la "mauvaise souche" de staphylocoque doré, mais toutes ne feront pas de choc toxique puisque la fréquence varie entre un cas sur un million et un cas sur 100 000", expliquait Gérard Lina en juillet 2017. Toutefois, il nous indique qu’il est difficile de donner une estimation fiable.

"Ce que l’on sait, c’est que l’année dernière, en France, 24 cas ont nécessité une prise en charge en réanimation".

Par ailleurs, les facteurs de risque sont méconnus. "Il n’y a pas réellement d’indicateurs pour dire si telle ou telle femme est à risque. Cette maladie peut toucher tout le monde et personne". Faut-il pour autant dire adieu aux tampons ? A cette question, il répond non. "Parfois, les protections périodiques internes sont nettement plus confortables pour les femmes. Le mode de protection est un choix personnel à chaque utilisatrice. Les tampons et les coupes sont très utiles dans la vie de tous les jours. En revanche, il faut améliorer l’éducation et expliquer comment les utiliser, le tout en rassurant."

Stériliser sa coupe menstruelle et ne jamais dormir avec un tampon

Il est depuis longtemps conseillé aux femmes de changer de tampon régulièrement pour éviter un choc toxique. Mais certaines utilisatrices négligent cet aspect. "Une étude en cours évoque qu’il faut les porter moins de six heures", souligne le docteur Lina. De son côté, Lauren Tookey explique que Natracare conseille "toujours aux femmes de changer les tampons tous les 4-6 heures". Par ailleurs, il ne faut pas les utiliser la nuit. "Les femmes doivent aussi se laver les mains avant et après l’introduction de leur protection intravaginale", ajoute le biologiste.

Parmi les femmes ayant développé un choc toxique ces trois dernières années, 2 utilisaient des coupes menstruelles. Nos résultats ne montrent pas qu'elles sont plus sûres que les tampons et suggèrent qu'elles nécessitent des précautions similaires. Passer sa coupe menstruelle sous l’eau pour la nettoyer ne suffit pas", avertit-il.  "Il restait énormément de staphylocoques au fond lors de notre expérimentation avec un simple passage sous l’eau. Voilà pourquoi, il faut les stériliser et les faire bouillir avant de les réutiliser. Je conseille aux femmes de toujours en avoir une de rechange sur elle".

Choc toxique : quels sont les signes annonciateurs ?

Si les facteurs de risque sont impossibles à établir selon le spécialiste, il dresse une liste de symptômes qui pourraient alerter les femmes. "Cette maladie est sournoise et survient sans signe gynécologique. Néanmoins, un syndrome grippal, une gastro-entérite ou encore une fièvre… alors qu’on utilise un tampon, n’est pas à prendre à la légère. Dans ces cas-ci, il vaut mieux le retirer et mettre une serviette hygiénique. De même, en cas de petite forme, de mal de tête. Si cela se reproduit à chaque période menstruelle, il convient d’aller voir un médecin", prévient le docteur Lina.
En clair, si ce syndrome est extrêmement rare, de simples précautions sont à prendre : la première étant de remplacer régulièrement son tampon. Et bonne nouvelle pour les étudiants, adhérents de la LMDE, la mutuelle a annoncé, le 23 avril dernier, rembourser une partie des protections hygiéniques à hauteur de 20 à 25 euros par an. Cette possibilité n’est pas réservée aux femmes, puisque les jeunes hommes peuvent également "en faire profiter leur entourage", précise la mutuelle.

Espérons que cette initiative sera suivie par d’autres, de manière à inciter les jeunes à acheter des protections de qualité et à en changer à bonne fréquence.

 

 

* Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Sources :
Applied and Environmental Microbiology
Interview Gérard Lina
Interview NatraCare
AFP/Relaxnews
Le Figaro Santé
60 millions de consommateurs
DGCCRF
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