Massacre des abeilles : comment les lobbies menacent l’alimentation mondiale

abeille sur une fleur
Massacre des abeilles : comment les lobbies menacent l’alimentation mondiale
Par Anaïs Martinez publié le
Journaliste
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Essentielles à la biodiversité mais aussi pour l’homme, les abeilles sont aujourd’hui décimées. En cause : les agents chimiques utilisés dans l’agriculture. En colère contre le manque de protection de cette espèce en voie de disparition, Nicolas Laarman, délégué général de l’association Pollinis, a publié hier une tribune dans "Le Monde".

Nicolas Laarman, délégué général de l’association Pollinis, milite pour la protection des abeilles domestiques et sauvages et pour une agriculture plus respectueuse des pollinisateurs. Hier, mardi 6 janvier, il a pris la parole dans une tribune publiée par Le Monde pour alerter contre le manque de protection de cette espèce.

Un rôle essentiel invisible mais menacé

"Selon l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), sur les 100 espèces cultivées qui fournissent 90 % des aliments mondiaux, 71 espèces sont pollinisées par les abeilles. La majeure partie des espèces cultivées au sein de l’Union européenne dépendent de la pollinisation accomplie par les insectes. Au-delà de la valeur essentielle de la pollinisation pour la sauvegarde de la biodiversité, la valeur monétaire annuelle mondiale de la pollinisation est estimée à plusieurs centaines de milliards d’euros", peut-on lire sur le site de l’Autorité européenne de sécurité des aliments.

Dans sa tribune, Nicolas Laarman déplore le fait que le comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation (Scopaff en anglais) n’ait pas pris en compte un document qui aurait pu entériner la commercialisation de produits chimiques nocifs pour les pollinisateurs. Dans son collimateur : le lobbying, à l’oeuvre au sein même du comité , émanant de l’Union Européenne. Une situation empêchant les experts de se baser sur les "tests abeilles", bloqués depuis 2013 par ledit comité. Un fort lobbying empêchant, selon lui, de prendre des mesures urgentes et réelles face à un problème qui menace l’alimentation mondiale.

Un risque confirmé par des scientifiques

Ce document majeur a été commandé par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA en anglais) qui traite également du bien-être et de la santé animale. Elle a également pour mission de recueillir des données scientifiques et de fournir des avis scientifiques. Les résultats ont été publiés en 2013. Comme l’indique Nicolas Laarman, c’est un panel d’experts indépendants qui ont produit ces "tests d’abeilles" dans le but d’établir de nouvelles "lignes directrices" et des politiques agricoles plus respectueuses envers les pollinisateurs.

Mais le 24 janvier dernier, le comité a décidé "d’enterrer un document fondamental qui aurait permis d’enrayer le déclin dramatique des pollinisateurs en Europe", comme l’affirme Nicolas Laarman.

Ces tests portaient sur les pollinisateurs sauvages et domestiques ; et servaient à démontrer l’impact des pesticides sur les abeilles et les voies d’exposition. Des conclusions ont été démontrées et mises à jour de nombreuses fois. 

Source : Tableau issu des "Conclusions 2018 sur les néonicotinoïdes" par l'EFSA.

Malgré l’interdiction de cinq néonicotinoïdes en France et trois à l’échelle européenne, l’association Pollinis montre que ces mesures ne suffisent pas pour protéger les abeilles, en déclin depuis quelques années. Un constat souligné en février 2018 par l’EFSA : "depuis 10 à 15 ans, les apiculteurs font état d’un affaiblissement inhabituel des populations d’abeilles et de pertes de colonies d’abeilles, en particulier dans les pays d’Europe occidentale dont la France, la Belgique, la Suisse, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Italie et l’Espagne".

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