Lons-le-Saunier protège ses eaux grâce à ses cantines bio

Par Bioalaune publié le

  La ville jurassienne encourage la conversion des agriculteurs entourant les puits de captage en leur offrant un débouché municipal. Les restaurants collectifs de Lons-le-Saulnier se sont mis au « bio » et ce sont des agriculteurs de la région qui les approvisionnent.

Cette année, des milliers d'écoliers de Lons-le-Saunier (Jura) se régalent de boeuf « bio », sans débourser un centime de plus. Le privilège profite aussi à des centaines de personnages âgées, à quelques comités d'entreprises et à un millier de patients et usagers de l'hôpital. Au centre de ces 5.000 bouches à nourrir quotidiennement dans 48 communes voisines sur 30 kilomètres de diamètre, se trouve la cuisine municipale de Lons-Le-Saunier. Depuis dix ans, la ville jurassienne étend peu à peu l'emprise de l'agriculture biologique sur sa restauration collective.

Derrière cette opération très tendance en apparence se trame une initiative de longue haleine pour restaurer la qualité de l'eau de captage de la ville, qui a mobilisé pendant des années le responsable de la cuisine, Didier Thevenet, et le maire adjoint à l'environnement, Jacques Lançon. Une opiniâtreté récompensée il y a quelques jours par les trophées de l'excellence, une distinction de l'Agence Bio, l'organisme de promotion de l'agriculture biologique. Pour sa directrice, Elisabeth Mercier, le circuit court d'approvisionnement est remarquable.

L'histoire commence au début des années 1960, quand Lons-Le-Saunier se heurte à une pénurie d'eau de montagne. La ville décide d'exploiter une nappe phréatique proche, couverte par des pâtures humides. Vingt ans après, l'agriculture intensive a élevé les taux de nitrates de la source de 1 mg/l à 30 mg/l, supérieur au seuil recommandé pour les nourrissons.

Au début des années 1990, le nouveau maire, Jacques Pelissard, passe une convention avec les 15 agriculteurs de la zone, qui s'engagent à améliorer leurs pratiques sur 220 hectares contre des aides. Une décennie passe et les niveaux de nitrates se stabilisent à 20 mg/l.
En 2001, pour améliorer encore la situation, Jacques Lançon propose de pousser l'agriculture biologique en utilisant le levier de la restauration municipale. « Notre fonctionnement en régie pour les deux services de l'eau et de la restauration collective nous a beaucoup aidé », explique l'adjoint. La commune persuade un agriculteur de passer au blé bio en lui garantissant un volume d'achat et un prix. Une boulangerie locale accepte également de se certifier pour produire du pain bio.

Approvisionnement direct
 

Au fil des années, la cuisine centrale et la mairie convainquent des éleveurs bio de bovins d'approvisonner une autre filière de yaourts et fromages. Ils soutiennent aussi la réimplantation de maraîchers locaux. « Nous partons toujours de la ressource disponible localement. C'est ainsi que nous nous sommes dit que le fourrage bio produit par nos agriculteurs pouvait nourrir des troupeaux de vaches bio », insiste Didier Thevenet. Après quelques tâtonnements, le service de boeuf bio est généralisé cette année aux 5.000 repas, grâce à l'achat sur pied de 300 animaux à 25 éleveurs. Un pari pas encore gagné : « Il faut prouver la viabilité de la filière, tempère le responsable. Avec les grossistes, on peut commander du jour au lendemain sans problème. En approvisonnement direct, il faut gérer les fluctuations comme une grève scolaire ou les vacances. »

Aujourd'hui, 45 agriculteurs livrent en direct la cuisine, soit 200 hectares convertis au bio sur les 920 du périmètre autour du captage. Une trentaine de produits bio sont servis, ce qui représentait en 2009 plus de 12 % du total. « Nous ne sommes plus très loin de l'objectif national de 20 % en 2012 », sourit Didier Thevenet.

Cette opération permet de limiter la pollution des eaux et d'éviter l'installation de systèmes de filtrage. « L'opération est rentable, vu le coût de la dénitrification, 1 euro du m3 », juge Didier Thevenet. La mairie a dépensé 17.000 euros la première année pour installer la filière pain. Depuis, les surcoûts ont été limités. « Nos fournisseurs nous avaient annoncé des tarifs élevés. Nous avons alors réalisé que la farine et le lait constituent une part marginale du coût final du produit et ils ont dû accepter des prix raisonnables », se souvient-il. D'autant que les contrats de long terme lissent les coûts : depuis 2008, l'explosion du prix du blé a rendu le pain bio des cantines moins cher que le pain conventionnel des grossistes. Le circuit court d'achat a aussi permis de supprimer des intermédiaires et d'économiser des frais de transports.

Reste que les eaux de captage n'ont pas encore retrouvé leur qualité de départ. Les 14 exploitants agricoles les plus proches du captage n'ont pas souhaité franchir le pas du bio.

lesechos.fr - MATTHIEU QUIRET, Les Echos