Alice Gauvin, journaliste France Télévisions : "On ne cuisine plus dans les cantines scolaires !"

Différents enfants mangeant à la table d'une cantine scolaire
Alice Gauvin, journaliste France Télévisions : "On ne cuisine plus dans les cantines scolaires !"
Par AFP /Relaxnews publié le

La rentrée a sonné depuis trois semaines, et cela fait autant de temps que les enfants sont retournés à la cantine. Si la loi impose la diversité alimentaire dans les assiettes, la qualité ne pimente pas pour autant le menu des élèves. Bien au contraire.

La qualité n'est plus au menu des cantines scolaires, voilà ce qu'a révélé lundi 21 septembre le documentaire "Bienvenue à la cantine", diffusé par le nouveau magazine familial de France 4 à 21h05 et présenté par Johanna Ghiglia "On vous raconte". La journaliste Alice Gauvin nous a révélé les dessous de son enquête.Quel est l'enseignement majeur de votre enquête ?

Alice Gauvin : On ne cuisine plus dans les cantines ! La plupart des repas servis aux élèves ont été préparés jusqu'à cinq jours au préalable. C'est un système qui s'est développé dans les années 90, pour répondre d'abord aux normes sanitaires, qui devenaient de plus en plus drastiques. On a inventé le concept de la "liaison froide". Cela consiste à cuisiner un plat, le mettre immédiatement sous vide pour l'envoyer dans les écoles ensuite. 

Quelles sont les conséquences sur la qualité des repas servis aux enfants ? 

Puisque ce sont des plats à réchauffer, on trouve surtout des plats en sauce, comme un tajine d'agneau, un rôti de dinde aux quetsches, un colombo de porc… La sauce permet d'éviter que la recette ne soit trop sèche. Dans les cuisines des écoles, on ne fait ainsi que réchauffer le plat. Et un plat en sauce, c'est inévitablement plus gras qu'un steak. 

Au-delà de cette problématique de plats réchauffés, les menus sont-ils cuisinés sainement ? 

Depuis 2011, une loi impose le respect de l'équilibre alimentaire sur vingt repas, soit l'équivalent d'un mois. Les enfants ne doivent pas par exemple manger plus de quatre poissons frits. C'est la raison pour laquelle on peut trouver un repas totalement déséquilibré. Car le reste de la semaine, les enfants ont droit à un menu plus sain. 

N'y a-t-il pas eu des progrès avec l'intégration de produits bios dans les menus ? 

On a découvert que ce n'est pas parce qu'un menu exhibe la mention bio ou végétarien que les élèves mangent de "bons" produits. Les parents d'une école du XVIIIe arrondissement de Paris ont décrypté les menus et ont découvert des allumettes végétales. Cette imitation du jambon s'est trouvée être une recomposition à partir de poudres diverses bios. Bref, ce n'était pas un aliment reconnaissable. Il s'agit d'un produit ultra-transformé, et non d'un aliment bio. Cela coûte trop cher à produire. Parfois, une fois dans le mois, on sert une viande ou un poisson bio, mais on compense le reste du temps avec des plats moins chers. 

D'où proviennent ces ingrédients ? 

Les centrales d'achat qui fournissent les ingrédients tirent les coûts vers le bas. Et c'est la raison pour laquelle on se retrouve avec des pommes de Nouvelle-Zélande. On en achète des milliers de pièces, et cela revient moins cher. A savoir que lorsqu'un appel d'offres est lancé, la législation européenne interdit d'imposer l'origine comme critère. 

Quelles solutions existent pour que la cantine serve des plats de qualité ? 

A Avignon, on a re-municipalisé la cantine. Car jusqu'ici les services publics avaient délégué cette fonction à de grands groupes, comme la Sogeres. On a donc perdu la maîtrise du contenu des assiettes. Cette solution permet de cuisiner sur place et de travailler avec des producteurs locaux.  

La re-municipalisation des cantines est-elle le seul axe possible pour que les assiettes deviennent savoureuses ? 

Non, il faudrait aussi signer des contrats très exigeants avec les grands groupes de restauration collectifs. On pourrait imposer le 100% bio par exemple. Le souci, c'est que les contrats sont de longue durée, soit pour cinq ou six ans. Cela prend du temps de se désengager. Il y a donc un décalage entre la prise de conscience des parents et le moment où les mairies peuvent effectivement mettre en place un nouveau contrat. 

On vous raconte - La rentrée scolaire, un documentaire à revoir sur france.tv