Si vous prenez des antibiotiques cet hiver, suivez ces règles

Si vous prenez des antibiotiques cet hiver, suivez ces règles
Par Magali Walkowicz publié le
Diététicienne-nutritionniste, journaliste et auteure

Les antibiotiques ont révolutionné l’histoire de la médecine. Ils sauvent des vies. Mais ils ne sont pas inoffensifs pour l’organisme. Découvrez pourquoi, comment et comment se protéger.

C’est un fait connu, un postulat désormais, les antibiotiques abiment notre abondante flore intestinale peuplant le tube digestif, constituée d’environ  1013 de micro-organismes, des bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes. 1013 , c’est autant que le nombre de cellules qui constituent notre corps. Jusqu’à présent on pensait que l’agressivité des antibiotiques sur la flore engendrait surtout et parfois seulement des effets secondaires à court terme tels que diarrhées, douleurs abdominales pendant le traitement. Mais en réalité les conséquences sont bien plus importantes. Toute prise d’antibiotique affecte la flore sur du long terme et tout déséquilibre de la flore peut être grave pour la santé.

Une simple cure d’antibiotique = jusqu’à un an d’impact sur la flore

Des chercheurs de l’université d'Amsterdam ont réalisé des prélèvements de salive et de matières fécales sur 66 personnes avant l’ingestion d’antibiotique ou de placebo et à plusieurs reprises après l’ingestion. Ils ont découvert que les bactéries concentrées dans la flore intestinale ne résistent pas bien à la prise d’antibiotique. Un an plus tard, certaines souches sont encore anormalement réduites. [1]. La cause est que les antibiotiques ont un mécanisme d’action non ciblé. Ils agissent sur plusieurs dizaines de bactéries à la fois. Une prise d’antibiotiques a donc certes un effet sur les bactéries pathogènes qui nous rendent malades mais aussi sur nos bactéries bienveillantes qui vivent naturellement en nous et nous protègent de bon nombre de maladies. Et une simple prise peut même anéantir l’efficacité d’une immunothérapie, dans le cadre d’un cancer.[2]

Le génome de nos bactéries amies ébranlé

Une cure d’antibiotiques modifie jusqu’aux gènes de nos bactéries selon les chercheurs d’Amsterdam ! A chaque prise, le génome de nos bactéries amies change. En particulier les gènes responsables de la résistance aux antibiotiques apparaissent plus nombreux dans notre intestin. En parallèle le nombre de bonnes bactéries produisant du butyrate à partir des fibres alimentaires, un acide gras, est fortement réduit pendant au moins un an après la prise. Or, celui-ci joue un rôle très important dans le maintien d’une bonne santé intestinale, notamment en diminuant la perméabilité de cet organe, ce qui nous protège des maladies inflammatoires, neurodégénératives et auto-immunes.

 Cerise sur le gâteau : les antibiotiques font grossir

C’est l’une des raisons pour laquelle, les animaux d’élevage sont nourris aux antibiotiques. Plus gros, ils se vendent plus chers ! Cet effet impacte également les êtres humains. Une prise d’antibiotique avant l’âge de 5 mois engendre un risque de 19% plus élevé d’obésité à l’âge adulte. Entre l’âge de 6 et 11 mois, l’augmentation du risque reste de 14%. 4 prises d’antibiotiques avant l’âge de 2 ans : le risque d’obésité est majoré de 29%[3] ! 20% des enfants qui ont eu recours à une antibiothérapie sept fois ou plus avant l’adolescence, pèsent à 15 ans en moyenne 1,3 kg de plus que les autres[4]. La modification du microbiote induirait une utilisation différente des nutriments par l’organisme et majorerait l’appétit. Une flore intestinale abimée, favorise l’obésité et les maladies métaboliques comme le diabète, les problèmes cardiovasculaires, hépatiques et même le cancer. [5]

Du bon usage des antibiotiques

N’ayez recours aux antibiotiques qu’en cas d’infection bactérienne avérée. La plupart des « mauvais rhumes », « états grippaux » sont provoqués par des virus, ce qui rend la prise d’antibiotique totalement inutile.

S’il y a prise d’antibiotique, renforcez votre flore intestinale, le temps du traitement avec la prise d’un complément alimentaire de probiotiques (mélange de bactéries vivantes) ou mieux, la prise d’un symbiotique (probiotiques + prébiotiques qui nourrissent les probiotiques pour faciliter leur prolifération). Le but est de contrer la vague de destruction massive engendrée par les médicaments.

Les boissons et produits fermentés (kéfir, Kombucha, pickles, yaourts au bifidus actif, choucroute) riches en pro et probiotiques sont simplement un complément, pas un traitement. Leur efficacité est insuffisante, du fait d’un nombre trop faible de bactéries apportées et d’un manque de diversité bactérienne.

 


[1] Egija Zaura et al. Same Exposure but Two Radically Different Responses to Antibiotics: Resilience of the Salivary Microbiome versus Long-Term Microbial Shifts in Feces. mBio.01693-15. 6:6 e01693-15.

[2] Les antibiotiques perturbent l’efficacité de l’immunothérapie. https://presse.inserm.fr/les-antibiotiques-perturbent-lefficacite-de-limmunotherapie/29901/

 

[3] Bailey L,et al. Association of Antibiotics in Infancy With Early Childhood Obesity. JAMA Pediatr. 2014;168(11):1063-1069.

[4] Schwartz BS, et al. Antibiotic use and childhood body mass index trajectory. Int J Obes (Lond). 2015 Oct 21.

[5] Emmanuelle Le Chatelier et al."Richness of human gut microbiome correlates with metabolic markers". Nature. 29 août 2013.