"Nous allons nous battre" le discours bouleversant d’une mère pour sauver l’habitat de son bébé

Kathy Jetnil Kijiner lors de son discours pour le climat à l'ONU
"Nous allons nous battre" le discours bouleversant d’une mère pour sauver l’habitat de son bébé
Par Manon Laplace publié le
4103 lectures

Kathy Jetnil-Kijiner était invitée par l'ONU à prononcer un discours lors de l'Assemblée générale des Nations unies sur le climat. Découvrez son discours poignant pour défendre les Îles Marshall où elle vit et qui pourraient bientôt disparaître à cause du changement climatique.

Kathy Jetnil-Kijiner est une poétesse et écrivaine de 26 ans originaire des Îles Marshall. Conséquence du réchauffement climatique, cet archipel du Pacifique Nord est voué à disparaître. Tout comme de nombreux territoires déjà ou bientôt menacés.  

Invitée à ouvrir l’Assemblé générale sur le climat de l’ONU à New Yorl mardi 23 septembre, Kathy Jetnil-Kijiner a alors lu un poème de sa composition pour rappeler l'importance d'un changement radical de politique énergétique. Un revirement capital lorsque l'on sait que 2013 a compté plus de 22 millions de déplacés climatiques.

Traduits de l’anglais par Rue 89, les vers de la jeune auteure sont adressés à son bébé de 7 mois, à qui elle promet de ne jamais baisser les bras et d'intensifier le combat pour sauver leur habitat. Même si la lutte pour le climat doit se faire envers et contre tous.
 

Voici l’émouvant poème de Kathy Jetnil-Kijiner

Traduits de l’anglais par Rue 89, les vers de la jeune auteure sont adressés à son bébé de 7 mois, à qui elle promet de ne jamais baisser les bras et d'intensifier le combat pour sauver leur habitat. Même si la lutte pour le climat doit se faire envers et contre tous.
 

Tu es un soleil levant de 7 mois aux sourires tout en gencives,

chauve comme un œuf et chauve comme le Bouddha.

Tu as le tonnerre dans les jambes, les éclairs dans tes cris,

tu adores tellement les bananes et être dans mes bras, et

quand nous marchons toutes les deux au matin le long du lagon.

Ma chère Matafele Peinam,

il faut que je te parle de ce lagon,

de ce lagon lucide et tranquille qui paresse sous le soleil levant.

Il est des hommes qui disent qu’un jour

ce lagon viendra te dévorer,

ils disent qu’il rongera la plage,

viendra mâcher les racines de nos arbres à pain,

engloutira les digues l’une après l’autre,

et finira par broyer les os en miettes de ton île bien-aimée.

Ils disent que toi, ta fille

et ta petite-fille aussi,

vous errerez sans racines,

avec un passeport comme seule maison.

Ma chère Matafele Peinam,

ne pleure pas,

Maman te promet

que personne ne viendra te dévorer,

que nulle entreprise massive ne s’avancera en requin dans les eaux politiciennes,

qu’il n’y aura pas de négociations secrètes,

pas d’entreprises pour imposer leur loi

avec leur absence de morale,

que nulle bureaucratie aveugle ne poussera

cette mère océan par-dessus bord.

Personne ne se noiera, mon bébé,

personne ne partira,

personne ne perdra sa terre natale,

personne ne deviendra un réfugié climatique,

ou, devrais-je dire,

personne d’autre.

Aux habitants des îles Carteret de la Papouasie et la Nouvelle-Guinée

et aux habitants des îles Taro des Fidji,

je profite de ce moment

pour vous faire nos excuses.

Et nous n’accepterons plus rien,

parce que, mon bébé, nous allons nous battre,

ta maman, ton papa, papi, mamie,

ton pays et ton Président aussi,

Nous allons tous nous battre.

Et bien que certains dans leur tour d’ivoire

font comme si nous n’existions pas.

Comme si les îles Marshall, Tuvalu, Kiribati, les Maldives,

le typhon Haiyan aux Philippines,

les inondations au Pakistan, en Algérie, en Colombie,

tous les ouragans, les tremblements de terre, les raz-de-marée,

n’existaient pas.

Malgré ceux-là, il en est d’autres qui nous voient,

les mains tendues,

les poings levés,

les banderoles déployées,

les mégaphones résonnant.

Et nous sommes

les canoës qui bloquent les charbonniers.

Nous sommes

le rayonnement des fermes solaires.

Nous sommes

le sol riche et sain du fermier d’antan.

Nous sommes

les pétitions qui naissent dans les mains d’adolescents.

Nous sommes

les familles qui pédalent, recyclent, réutilisent,

les ingénieurs qui rêvent, conçoivent, construisent,

les artistes qui peignent, dansent, écrivent.

Nous faisons passer le mot

et ils sont des milliers dans la rue,

à défiler avec leurs panneaux,

main dans la main,

réclamant le changement MAINTENANT

Ils marchent pour toi, mon bébé,

ils marchent pour nous.

Car nous méritons mieux que de simplement

survivre.

Nous méritons

de vaincre.

Chère Matafele Peinam,

Tes yeux sont lourds

sous le poids du sommeil

donc ferme-les mon bébé

et dors en paix.

Car nous ne te laisserons pas tomber,

tu verras. »