Quel avenir pour les pesticides ? Interview du professeur Séralini

Le professeur Séralini au micro de Bio à la Une
Quel avenir pour les pesticides ? Interview du professeur Séralini
Par Mathieu Doutreligne publié le
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Interview du professeur Gilles-Éric Séralini par Mathieu Doutreligne pour Bio à la Une le 17 avril 2015 lors de La Bio dans les Étoiles. Le Pr Séralini est un scientifique de l’université de Caen étudiant depuis de nombreuses années les effets secondaires des OGM et des pesticides sur la santé. Il s’est fait connaître auprès du grand public suite à son étude de 2012 réalisée sur deux ans auprès de 200 rats nourris avec du maïs infesté. L’étude a montré que les animaux mouraient plus vite et développaient plus facilement des cancers. Depuis, le scientifique alerte régulièrement sur la dangerosité masquée des produits qu’il étudie en secret.

Bio à la Une : Le 20 mars dernier, l’OMS a classé 4 pesticides comme cancérogène pour l’homme. Cette annonce vous a-t-elle surpris ?

Pr Séralini : Sur le fond non, sur la forme oui. Voilà 15 ans qu’on travaille sur le glyphosate et surtout sur ses produits de commercialisation tel le Roundup ou les autres herbicides à base de glyphosate. On sait depuis longtemps que ces produits sont éminemment toxiques, bien plus que l’OMS ne peut le supposer, parce qu’ils n’évaluent que le glyphosate et pas le produit fini. Or, c’est ce dernier qui est donné aux agriculteurs et aux consommateurs moyens qui veulent désherber leurs jardins.

Ces annonces ne sont pas étonnantes. Par contre, ce qui m’a étonné, c’est que l’OMS ne se soit pas davantage laissé séduire par les lobbies. D’habitude c’est le cas, donc cette fois ci bravo, les choses avancent. Petit à petit, il y a des pesticides interdits, mais le chemin est long.

Bio à la Une : Les pesticides comme le Roundup sont donc beaucoup plus toxiques qu’on ne le pense ?

Pr Séralini : Oui, les organismes internationaux ne prennent pas en compte tous les détergents qui sont à l’intérieur des pesticides et qui augmentent par 1000 la toxicité des produits chimiques déclarés. Les scientifiques lancent des alertes, mais tous les gouvernements sont influencés par les lobbies qui disent que cela n’est pas un problème. Ces produits restent très malhonnêtement évalués.

Le professeur Gilles-Eric Séralini dans son laboratoire

Bio à la Une : Certains pesticides sont désormais officiellement cancérogènes. Quelle est la prochaine étape ?

Pr Séralini : Il faut aller plus loin. On a demandé la transparence sur tous les pesticides qui ont été commercialisés en étant mal évalués. Il faut maintenant exiger qu’on mette à la disposition de tous, les analyses de sang qui ont servi à autoriser le Roundup, car elles sont prises sur des rats qui en consomment, or on nous a dit qu’elles n’existaient pas. Si ces résultats étaient disponibles, ce serait vraiment grave pour Monsanto et les autres industriels producteurs de pesticides.

Bio à la Une : Qui est le véritable coupable dans l’histoire ?

Pr Séralini : Pour nous c’est clair, la faute est due aux experts qui un jour ont autorisé ces produits en disant qu’ils n’étaient pas toxiques. C’est eux qui portent la responsabilité la plus grave dans l’affaire. Tout le monde est trempé, les autorités, les vendeurs, les consommateurs, mais c’est les experts qui portent la plus grave responsabilité, c’est eux qui un jour ont validé leur mise sur le marché.

Bio à la Une : Quelle est le meilleur moyen pour que les consommateurs soient et restent en bonne santé ?

Pr Séralini : L’information est la clé. Il faut demander la transparence sur les pesticides et changer sa consommation pour privilégier les produits sains et les actions qui favorisent le bio. Nous sommes nombreux à écrire des livres, à diffuser de l’information pour que les consommateurs soient informés.

Bio à la Une : Dans votre célèbre étude de 2012, vous dénonciez les effets secondaires du Rounup et des OGM. Quel avenir imaginez-vous pour les OGM ?

Pr Séralini : Il y a eu plusieurs milliers de scientifiques qui ont soutenu notre étude qui montrait la toxicité des OGM à long terme. Là aussi le chemin est long. Les autorités réglementaires et gouvernementales ont financé la recherche dans ces domaines. C’est difficile pour elles de se retirer, mais plus il y aura de citoyens mobilisés, plus le mouvement ira rapidement

Bio à la Une : Monsanto est la bête noire du bio. Partout sur terre, les protestations grandissent contre la firme américaine déjà centenaire. Pensez-vous que sa fin est proche ?

Pr Séralini : Leurs déboires ou leurs profits économiques ne m’intéressent pas. Je vois simplement qu’ils ne doivent pas avoir d’avenir, parce que leurs produits sont toxiques pour la santé publique. Il faut que le grand public s’en rende compte. Il ne faut pas croire toute la publicité autour du Roundup qui dit qu’il n’est pas toxique. Il y a des milliers d’études scientifiques qui montrent qu’il l’est.

Dans mon dernier livre avec Jérôme Douzelet, Plaisir cuisiné ou poisons cachés nous expliquons toute la malhonnêteté des lobbies et des organisations diffamatoires qui permettent d’autoriser ses produits.

Bio à la Une : Pourquoi faites-vous vos recherches dans le secret ?

Pr Séralini : Étant donné les pressions présentes, on ne peut pas toujours raconter ce sur quoi on travaille, sinon on est empêché de le faire, mais je publie beaucoup mes études, je fais même des livres sur les résultats.

Bio à la Une : Quel sera votre prochain scoop ?

Pr Séralini : La découverte des effets des adjuvants très toxiques dans les pesticides. Il y a des produits qui ne sont pas déclarés comme des principes actifs dans tous les pesticides et qui sont jusqu’à 1000 fois plus toxiques que les pesticides. Çà touche tous les pesticides commercialisés. Dans leur formulation, ils ont des produits cachés. Il y en a toujours beaucoup dans les pesticides déclarés.