Néonicotinoïdes : les pesticides tueurs d’abeilles continuent à être autorisés par le Sénat

Abeilles en gros plan dans leur ruche
Néonicotinoïdes : les sénateurs contre l’interdiction des pesticides tueurs d’abeilles
Par Mathieu Doutreligne publié le
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En fin de semaine dernière, les sénateurs se sont prononcés contre l’interdiction d’utilisation des pesticides tueurs d’abeilles en marge des relectures du projet de loi sur la biodiversité. Les néonicotinoïdes continuent donc à être autorisés en France pour une durée indéterminée.

Adoption de la loi et poids des lobbys

La décision a été prise. Dans la nuit du jeudi 12 au vendredi 13 mai, les sénateurs ont adopté en seconde lecture la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Ambitieuse à la base, de nombreux points stratégiques pour l’environnement ont été écartés, comme la taxation sur l’huile de palme ou l’interdiction d’utilisation des pesticides néonicotinoïdes au plus tard en 2020 et ce, malgré l’importante opposition des Français par une pétition signée plus de 170.000 fois en trois jours.

Ronan Dantec, chef de file écologiste dénonce : “l’esprit de compromis qui avait prévalu en première lecture ne s’est pas retrouvé lors de cette deuxième lecture et les lobbys de la chimie, de l’agro-industrie, de la chasse et du béton ont pesé de tout leur poids pour freiner toute reconquête de la protection de la biodiversité”. Chantal Jouanno, conseillère régionale ajoute : “le débat a bien peu tenu compte de la science qui démontre sans ambiguïté que la biodiversité s’effondre, que les pertes s’accélèrent en Ile-de-France”.

"Les lobbys de la chimie, de l’agro-industrie, de la chasse et du béton ont pesé de tout leur poids pour freiner toute reconquête de la protection de la biodiversité." Ronan Dantec

D’autres éléments de la loi sont toutefois à saluer, comme l’interdiction explicite du brevetage du vivant, plantes, animaux et leurs composantes génétiques inclues, l’inscription du principe de conservation par l’utilisation durable des ressources biologiques, la création d’un groupe d’action pour les dommages environnementaux, et même des interdictions très spécifiques comme les bâtonnets ouatés avec une tige en plastique.

Pesticides tueurs d’abeilles et sénateurs pointés du doigt

Les pesticides néonicotinoïdes sont considérés comme nocifs pour les abeilles. Ils sont actuellement utilisés en France aux dépens des colonies qui disparaissent de plus en plus rapidement. On estime leur diminution à 30% entre 1996 et 2004.

L’un des inconvénients les plus dommageables de ce groupe d’insecticides réside dans le fait que 90% des quantités déversées n’atteignent pas les semences et restent dans les sols plusieurs années. Et, à la différence des autres produits phytosanitaires, les néonicotinoïdes sont ravageurs, même à très faible dose, en perturbant le système reproducteur et le sens d’orientation des insectes pollinisateurs qui n’arrivent plus à se reproduire et à retrouver leur ruche.

Furieuse d’une telle décision de la part du Sénat, l’association nationale Agir pour l’environnement (déjà à l’initiative de la pétition précédemment citée) a décidé de mettre en ligne un trombinoscope permettant de connaître le vote de chaque sénateur. L’objectif est de faire pression pour une prise de conscience et un éventuel retournement de situation lors de la dernière lecture du texte devant l’Assemblée nationale durant la prochaine commission mixte paritaire.

Pour Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement, “cet outil électronique apporte une transparence nécessaire sur la position des sénateurs qui, souvent, profite de l’opacité des débats pour relayer et soutenir sans distance les argumentaires rédigés par le lobby de l’agrochimie. Cet outil contribue donc à stimuler les échanges entre les citoyens et leurs sénateurs et ainsi obliger ces derniers à assumer leur vote”.

Source : lemonde.fr - jacheres-apicoles.fr - agirpourlenvironnement.org