Xavier Mathias : “Les véganes sont le signe d’espoir d’une société malade”

Jeune femme cuisinant des légumes dans sa cuisine
Xavier Mathias Les véganes sont le signe d’espoir d’une société malade
Par Mathieu Doutreligne publié le
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Dans son dernier livre sur la permaculture, récemment paru aux éditions Larousse, Xavier Mathias dresse une critique sévère de la société de consommation qui vit hors-sol. Les incohérences sont multiples, mais des signes d’espoir persistent dont les véganes font partie.

Xavier Mathias est maraicher bio en permaculture, enseignant au potager du roi à Versailles, membre actif à l’association Ferme d’Avenir, auteur de nombreux ouvrages de jardinage. Conscient que l'agriculture industrielle, basée sur les énergies fossiles et la mécanisation à outrance, ne durera encore que très peu d'années, il met toute son énergie en place pour démontrer que la permaculture est l'une des meilleures voies à suivre pour entrer, petit à petit, dans un monde plus sain dans lequel la cohésion remplace la compétition, dans lequel le partage remplace l'individualisme... et dans lequel le bien-être animal est respecté.

Dans son dernier ouvrage Au coeur de la permaculture, il énumère une partie les incohérences du monde moderne. Loin d'être végétarien ou même végane, il donne son point de vue sur la question.

Bio à la Une : D’une manière générale, que pensez-vous des véganes ?

Xavier Mathias : Je suis vraiment super claire par rapport aux véganes. Je les aime beaucoup parce que pour moi ce sont des punks qui pointent du doigt un dysfonctionnement dans la société. Il faut se battre contre les incohérences, par exemple la façon dont on élève les animaux pour la consommation. Il n’y a qu’une société malade pour faire ça. Eux se posent pi en tête. C’est la réaction saine d’une personne qui vit hors sol. Mon cas est différent, je suis un homme de pleine terre et je sais que je ne peux pas me passer de l’animal à qui je donne une position différente.

“Les véganes, je les aime beaucoup parce que ce sont des punks qui pointent du doigt un dysfonctionnement dans la société.”

Qu’un urbain dise “ce n’est plus possible, vous êtes dingue, je ne peux pas bouffer votre truc”. Il n’a pas tort, mais il n’a pas beaucoup de solutions. Moi je mange la viande d’un animal que je vois courir. Après j’en mange très peu, car je sais que ça demande beaucoup d’énergie pour être produit.

Qu’est-ce qui vous fascine chez eux ?

Ce que j’aime le plus chez les véganes, c’est leur imagination, leurs compétences techniques. Être capable de faire monter des oeufs en neige sans oeuf, mais avec de l’eau de pois chiche : bravo ! Cette créativité me plait beaucoup. Et s’il est plus facile d’être créatif en ville que de s’approvisionner de façon raisonnable, je pense que c’est quelque chose qui s’entend. Après, c’est à eux de comprendre que cette position ne peut pas durer dans le sens où leur consommation végétale est loin d’être idéale, en plus d’être dépendante de l’élevage.

“Ils ont choisi ce mode de consommation et se doivent de respecter le choix des autres. Chercher à convaincre ou convertir est une erreur.”

Quand on me demande si je suis bio, je réponds que je suis plus que bio. Je suis bio intégriste, c’est-à-dire que je ne fais pas d’écart dans mon mode de consommation. Par contre, je ne mens pas aux autres. Ce dont j’ai envie pour mes besoins, je n’ai pas envie de l’imposer aux autres. C’est exactement ce que je reproche aux véganes, leur côté prosélyte. Là ils me fatiguent. Vraiment. Ils ont choisi ce mode de consommation et se doivent de respecter le choix des autres. Chercher à convaincre ou convertir est une erreur.

Pour une vie saine, le contact avec l’animal est-il nécessaire ?

Ce n’est pas nécessaire, c’est primordial. L’homme a besoin de cette relation à l’animal, au même titre qu’avec le végétal, sinon il lui manque une dimension. C’est pour cela qu’il y a une incohérence en ville, il n’est pas possible de vivre dans un milieu à ce point artificiel où on manque de tout ce qui est réellement nécessaire. Ne peut-on pas concevoir notre environnement urbain différemment ?

“Il faut faire preuve d’humilité et accepter que nous soyons nature pour s’y inclure à nouveau. On s’en rend moins compte en vivant toute sa vie dans le béton.”

Je me rappelle avoir faire une expo il y a deux ans Porte de Versaille à Paris pendant une semaine. Je n’en suis pas revenu. C’était dur. Une semaine sans toucher terre. Est-ce qu’on peut vivre comme ça ? Si c’est le cas, la vision du monde n’est plus la même, d’autant plus que le décalage entre urbains et ruraux devient énorme. Plus ça va, plus la vie urbaine s’artificialise. Il faut faire preuve d’humilité et accepter que nous soyons nature pour s’y inclure à nouveau. On s’en rend moins compte en vivant toute sa vie dans le béton.