Grande America : récit d’une nouvelle marée noire sur les côtes françaises ?

Le Grande America a pris feu le 10 mars, avant de couler deux jours plus tard.
Le Grande America a pris feu le 10 mars, avant de couler deux jours plus tard.
Par Hanen Slimani publié le
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Depuis quelques jours, les médias se font l’écho du naufrage du bateau de transport Grande America au large des côtes atlantiques françaises. L’épave, qui a sombré mardi 12 mars suite à un incendie, pourrait libérer près de 2000 tonnes de fioul qui devraient atteindre l’Hexagone dans quelques jours. Décryptage.

Ce vendredi 8 mars, lorsque le personnel navigant du Grande America quitte le port d'Hambourg (Allemagne) pour rejoindre celui de Casablanca au Maroc, ils ne s’imaginent pas ce qui les attend. Bien que la météo ne présageait pas un très beau temps pour la durée du voyage, un incendie, dont les raisons sont pour le moment inconnues, se déclare ce dimanche 10 mars vers 20 heures. Cela à près de 200km des côtes françaises. Les 27 passagers à bord du bateau de 214 mètres seront évacués sains et saufs. Le "Grande America", navire hybride entre un roulier et un porte-conteneurs, était affrété par la société italienne Grimaldi qui se réjouissait sur son site par le biais d’un communiqué de presse de l'évacuation fructueuse du personnel navigant. “Malheureusement, avec l’aggravation des conditions météorologiques et l’aggravation de la liste du navire, la Grande America a coulé aujourd’hui (le 12 mars ndlr) à 15 h 26, heure locale, à environ 140 milles marins au sud-ouest de Brest”.

“Il y a un risque qu'il ne faut pas nier”

Les conditions météorologiques sont au coeur des préoccupations des autorités car elles compliquent les manoeuvres. Depuis l’annonce de l’accident, elles sont sur le pied de guerre. La Préfecture des Alpes maritimes a enclenché le niveau 3 du dispositif ORSEC maritime (Organisation de la Réponse de Sécurité Civile) qui implique notamment la mise en place d’une équipe de gestion de crise (EGC).

Une frégate de la Marine Nationale et le Bâtiment de soutien et d’assistance étaient présents dès mardi, pour surveiller et sécuriser la zone. Ce même jour, le remorqueur “Abeille Bourbon” a été appelé en renfort, en vain. Ses trois pompes de 2,4 millions de litres par heure n’ont pas réussi à éteindre l’incendie. Deux remorqueurs mandatés par l’armateur du navire Grimaldi Group sont également sur zone. Dès mardi après-midi, le ministre de la Transition écologique et solidaire s’est exprimé à l’Assemblée nationale sur ce sujet. "Nous allons envisager les moyens de lutte antipollution, car il y a un risque qu'il ne faut pas nier. Il y a d'abord une cargaison de fioul lourd, qui était le carburant de propulsion de ce navire", a indiqué François de Rugy. Une partie de la cargaison est tombée du bateau avant son naufrage. Un chargement potentiellement dangereux. Le ministre a donc annoncé le déploiement de “quatre navires dédiés aux opérations de lutte antipollution”. Un plan de dépollution sur terre est également en cours de préparation.

Un navire maintes fois épinglé

Dans un communiqué de presse publié le 11 mars, l’association écologiste Robin des bois explique que le navire a été de nombreuses fois épinglé pour des défaillances. “Le navire, construit en 1997, a été détenu en 2010 pour 35 déficiences dans le port de Tilbury au Royaume-Uni. Depuis, d’autres déficiences sont régulièrement relevées par les inspecteurs de sécurité maritime à Hambourg et à Anvers.” Robin des bois explique également que le bateau pourrait contenir "des voitures ou véhicules roulants de seconde main, de remorques et d'engins de travaux publics", ainsi que des déchets "à recycler", des pneus et quelques conteneurs renfermant des matières dangereuses.

Dans un second communiqué publié mardi 12 mars, Robin des bois exhorte l’état à exiger de l’armateur la liste des marchandises contenues dans le navire. L’association annonce également porter plainte “pour pollution et abandon de déchets auprès du Tribunal de Grande Instance de Brest”. Les risques existent donc bel et bien, même si depuis le début de cette affaire les autorités se veulent rassurantes. Jean-François Foutaine, maire de la ville de La Rochelle, interviewé à plusieurs reprises sur la question, assure que les dangers sont moindres. Au micro de Europe 1, il affirme que les navires antipollution devraient pouvoir extraire le fioul des eaux.  "Je pense qu'ils peuvent le faire. La quantité n'est pas colossale. Il faut être vigilant mais on ne risque pas une marée noire comme il y a vingt ans. L'Erika (pétrolier qui avait fait naufrage en décembre 1999) avait lâché 30.000 tonnes au large de nos côtes, là c'est plus loin et c'est 2.200 tonnes."

Pour l’heure, force est de constater que les conditions météorologiques ne permettent pas le pompage du fioul. Et la météo ne semble pas prête de s’améliorer les jours à venir. François de Rugy, invité au micro de Public Sénat, estime que la pollution du Grande America viendra tôt ou tard toucher les côtes françaises, avant de préciser “certainement Dimanche ou Lundi”. Pour l’heure, le ministre se trouve à Brest à bord d’un navire de la Marine Nationale pour constater les dégâts.

 

Ce jeudi 14 mars, le porte-parole de la préfecture maritime de l'Atlantique annonce que "deux nappes distinctes" séparées par une "vingtaine de kilomètres" s’approchent des côtes françaises. "La première fait 13 kilomètres de long pour 7 kilomètres de large et a un aspect assez compact. La deuxième fait 9 kilomètres de long pour 7 de large et son aspect est assez morcelé". Elles devraient rejoindre le littoral d’ici une semaine environ.

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