Ecole Steiner : les véritables bienfaits de la pédagogie Waldorf sur l'enfant

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école Steiner : pédagogie Steiner Waldorf
© école Steiner de Verrières-le-Buisson
Par Elodie-Elsy Moreau publié le
Rédactrice en chef
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Connaissez-vous vraiment la pédagogie Steiner ? Souvent sous le feu des critiques, et accusée à tort par ses détracteurs de promouvoir l’anthroposophie, cette école mérite d’être connue plus largement. Pour en savoir plus et démêler le vrai du faux, nous sommes allés à la rencontre de professeurs, parents, d’écoliers et d’anciens élèves de l’école Steiner Waldorf de Verrières-le-Buisson (91), située à une quinzaine de kilomètres de la capitale. Reportage. 

Depuis quelques années, les pédagogies alternatives ont le vent en poupe auprès des parents en quête d’une scolarité où priment bienveillance, sens et suivi individualisé. Si les écoles Montessori sont aujourd’hui populaires, et fleurissent un peu partout en France, on connaît bien moins la pédagogie Steiner. Pourtant, cette approche apporte bien des avantages aux enfants. Pour le vérifier, nous nous sommes rendus à l'école Steiner de Verrières-le-Buisson (91). Une fois le portail de l’école passé, l’émerveillement est à son comble. Une énorme bâtisse aux allures du château de la saga Harry Potter se hisse devant nos yeux, au milieu d’un écrin de verdure. Ici, il n’est pas question de magie… ou plutôt de magie de la vie.

« Des petites graines » qui s’épanouissent auprès des jardinières

Créée en 1919 au départ pour les enfants d’ouvriers, la pédagogie Steiner est basée sur le respect de l’individualité de chaque élève. Si elle pâtit parfois de l’image de son créateur Rudolf Steiner, un philosophe et pédagogue autrichien à l’origine de l’anthroposophie que certains détracteurs dénoncent, il convient de séparer l’homme des écoles. Car une chose est claire : « l’anthroposophie n’est pas enseignée aux enfants », assure Laure Lusseyran, professeure de français depuis dix-huit ans, et directrice de l’établissement, également interlocutrice privilégiée de l’Éducation nationale, une partie de l’établissement étant sous contrat. Et sur la plaquette de formation des enseignants, délivrée par deux instituts en France, aucune mention sur le sujet n’y est faite. Les futurs professeurs y apprennent le développement de l’enfant, l’éducation sensorielle… sans oublier l’initiation aux divers activités pratiques et artistiques, à la phénoménologie (études des phénomènes) ou encore à la philosophie. Le tout soutenu par de nombreux stages.

On compte 18 écoles Steiner en France, certaines allant du jardin d’enfants au lycée. Il existe aussi des crèches s’en inspirant. Le tout-petit y est considéré « comme une graine qui doit s’épanouir et grandir en harmonie avec son monde », rapporte Jeanne, jardinière (enseignante des 3-6 ans). Et les plus jeunes ont de quoi faire pour appréhender les choses qui les entourent. « Dès le matin, on commence par des jeux libres en intérieur, des petits jeux de construction. Certains jouent à la poupée…, explique l’enseignante. « Chacun est libre de ne pas faire comme le voisin », renchérit Madame Kamp, professeure de travaux manuels pour les 6-12 ans dont le fils est également scolarisé dans l’établissement. Cette dernière a eu un véritable coup de cœur pour l’école après avoir assisté à une porte ouverte et a décidé de retirer son fils, alors âgé de 4 ans, de son établissement public parisien. « J’ai tout de suite apprécié la cohérence de l’enseignement et la noblesse des matériaux », indique-t-elle. « Mais au début, mon fils était un peu perdu lors des temps de jeux libres. Il avait tellement l’habitude d’être guidé par sa maîtresse, les adultes ». Jeanne confirme : « Avec un bout de bois, un petit cube, les petits vont très vite trouver un jeu, faire appel à leur imaginaire, s’inventer une histoire. Il n’y a pas ce besoin d’identifier tout de suite la chose comme ça peut être le cas ailleurs ».  

Découverte de la nature

Comme Madame Kamp, les enfants de Jeanne sont inscrits à Steiner. « J’apprécie le fait qu’ils ne soient pas entourés de bitume et aient un accès direct à la nature », indique celle-ci. L’école de Verrières-le-Buisson qui dispose d’un grand parc, est longée par la forêt.

Et cette nature, les élèves apprennent à la découvrir et à la choyer dès les premières années, au fil des saisons. Elle s’intègre à leur scolarité tout du long. « Peu importe le temps, les plus petits, habillés et équipés en fonction, disposent d’un temps de jeux libres en extérieur. Ils peuvent jouer avec les éléments, notamment l’eau de pluie. Tout est prétexte à la découverte », relève Jeanne.  

Plus tard, en classe de 9e, lorsque les enfants ont environ 14 ans, ils sont amenés à effectuer un stage de bûcheronnage et forestier en hiver. « Tout le monde se lève tôt, les élèves doivent préparer le repas. Ils sont encadrés par des professionnels. L’année suivante, ils partent seuls durant deux semaines effectuer un stage à la ferme, logés dans des familles ou des locaux. Ils s’occupent de petites exploitations familiales. Ils sont initiés au maraîchage, à l’élevage… », explique Madame Kamp.

Un enseignement au rythme de l’enfant

« Durant le jeu libre, on va proposer aux petits une activité spécifique : faire du pain, de la peinture, des travaux manuels. Ceux qui le souhaitent participent. Toutefois, il est vrai que les jardinières auront tendance à davantage inciter les plus grands. C’est important avant l’entrée en première classe, (qui correspond au CP ndlr). On leur demande de s’investir davantage. Comme il n’y pas d’apprentissage de la lecture et de l’écriture au jardin d’enfants, ces matières sont appréhendées au travers des activités. L’enfant doit par exemple peser 120 grammes de farine pour le pain ou apporter 8 pinces à linge pour construire une petite cabane. C’est par les choses concrètes de la vie et les expériences qu’on les amène aux apprentissages avant de passer sur un bureau avec une feuille », soulève Jeanne. « L’enfant se lie aux choses par le cœur, et non pas forcément par l’intellect au départ. On va leur faire vivre et expérimenter l’addition, la multiplication... On prend aussi vraiment le temps pour l’apprentissage de la lecture ou de l’écriture. Et en fin de primaire, ils ont le même niveau que ceux d’une école conventionnelle. La différence se fait dans la méthode : ce n’est pas du déchiffrage, ils savent ce qu’ils lisent. De plus, l’enseignement se fait par période. Tous les matins durant deux ou trois semaines, ils approfondissent une matière. De cette façon, les choses restent ancrées », ajoute Madame Kamp.

Un enseignement au rythme des élèves donc qui comporte de nombreux avantages selon la directrice. « On sait que l’enfant évolue par étape. Ainsi, lorsqu’il acquiert la marche par exemple, il stagne sur le plan du langage… S’il met ses forces dans sa motricité, il peut moins les mettre ailleurs. Et les professeurs tiennent compte de cela. On essaie d’accompagner au mieux son développement. On ne se dit pas qu’il doit absolument apprendre ça de tel à tel âge », explique-t-elle. « Cette pédagogie permet à l’enfant d’engager tout son être, et pas seulement sa tête dans ses apprentissages. Nous ne sommes pas dans la restitution. On fait observer aux élèves des expériences scientifiques, pour ensuite passer à la phase de l’analyse. »

Un apprentissage qui prend également en considération « la maturité de l’élève » mais aussi plus lent. « L’école ne fonctionne pas en année scolaire mais se calque sur le modèle allemand », explique Raphaël, ancien élève aujourd’hui âgé de 32 ans, qui a intégré cette école juste après la sixième. « A la sortie du bac, « on perd » deux ans par rapport à ceux du cursus classique. C’est l’une des raisons pour lesquelles je n’y suis resté que deux ans. J’avais un peu peur pour la suite. J’ai pu néanmoins intégrer une 4e directement après dans un collège public. »

Notons aussi que les élèves gardent le même professeur principal durant tout le primaire, et ont des enseignants différents pour chaque matière. Et cela semble plutôt plaire aux élèves : « si je pouvais garder ma professeure jusqu’à la 13e classe (la terminale, ndlr) je serais contente ! », s'exclame Maeva, 9 ans. « Les professeurs s’engagent durant tout un cycle. Il y a donc un suivi individualisé et ils connaissent très bien leurs élèves », souligne la directrice. « Il y a moins de pression, on sait où ils en sont. L’équipe pédagogique se réunit toutes les semaines pour faire un point, aborder les éventuelles difficultés et les éléments à travailler avec tel ou tel élève », résume Madame Kamp.

La créativité, au cœur de la pédagogie Steiner

S’il y a bien une chose qui a particulièrement plu à Raphaël durant ses années Steiner, c’est la diversité des matières. « J’ai adoré le côté artistique de cette école. J’ai pu m’initier au tricot, au théâtre…  C'était vraiment le bon côté de cette école. »  En effet, du jardin d’enfants au lycée, parfois même dès la crèche, les activités artistiques ont une place de choix au cours du cursus scolaire. Dès 3 ans, le jeu libre, le lien avec la nature, les jeux de doigts... développent la créativité et les facultés cognitives. Ensuite, pour les plus grands, des cours de broderie, de tissage, de couture, des ateliers bois, cuivre, forge, ou encore le chef d’œuvre (projet à effectuer au lycée), sollicitent l’imagination des élèves.

« Les pratiques manuelles et artistiques sont essentielles dans le parcours de l’élève chez Steiner. Ils confectionnent les costumes et décors des pièces de théâtre qu’ils présentent quand ils ont 13-14 ans en 8e classe, ensuite, vers 17 ans en 11e classe, ils montent leurs décors. Ils doivent se débrouiller avec ce qu’ils ont. Ils ont déjà des savoir-faire. Ça donne des choses incroyables ! », s’enthousiasme Madame Kamp. Elle ajoute : « Vers 15-16 ans, ils auront aussi des cours de sculpture. Ils vont se confronter à des matériaux qui leur offrent difficulté et résistance selon leur âge. Et travailler une matière qui nous résiste c’est très intéressant pour la connaissance de soi. Ce n’est pas seulement l’art en lui-même, mais le côté artisanal des choses. Avant d’être créatif, c’est un peu comme si on devait faire ses gammes, on s’exerce, la créativité n’est pas libre et débridée dès le début. On estime qu’il faut apprendre, s’entraîner. Il n’y a rien qui remplace l’expérience ». Une pluridisciplinarité également très appréciée par Jeanne et ses enfants. Autre point important pour elle : l’absence des écrans. « Rarement, les professeurs peuvent diffuser un film en classe, mais surtout, ils n'utilisent pas d'ordinateurs avant la troisième en cours », souligne-t-elle.

Pas de note avant 14 ans !

« Tous les apprentissages sont complémentaires. On peut avoir quelqu’un de musicien qui aura plus de difficultés dans les matières principales. Toutefois, tout se nourrit. Les enfants qui sortent d’ici ont une assurance et une confiance en eux. Ils sont plus débrouillards. Ils ont élaboré tellement de choses », explique la directrice. « Les professeurs nous ouvrent le champ des possibles », affirme Raphaël. 

Quant aux notes, elles n’arrivent pas avant 13-14 ans. « On va surtout observer les élèves, au départ au travers des jeux libres, voir comment ils se comportent. A l’âge où ils commencent à avoir des devoirs, le maître donne deux parties : ce qu’on doit faire et ce qu’on peut faire. Et même sans notation, on voit si les compétences sont acquises ou pas. Notre but est d’accompagner le développement de tout être, et pas seulement de se préoccuper des apprentissages strictement scolaires. On reçoit beaucoup de demandes d’élèves stressés au bord du décrochage. On voit comment on peut les accompagner. Parfois, on prévient les familles que le bac se fera en deux ans si l’on considère que c’est la meilleure option. Le bien-être et la réalisation d’un projet passent avant tout. Certains élèves peuvent également faire des stages supplémentaires si besoin pour conforter ou non une idée d’orientation », souligne la directrice. Pour l’ancien élève, Raphaël, si ce système ne pousse pas à l’excellence et à la compétitivité, ce qu’il a recherché par la suite, « il est adapté à ceux qui peuvent avoir du mal avec le système classique, qui n’arrivent pas à apprendre des leçons seulement pour apprendre et tout retranscrire sur une feuille. Cela peut leur être bénéfique ».

Donner un sens aux choses

« Tout ce que l’on fait faire aux enfants a un sens. Au jardin d’enfants, on tricote pour exercer la motricité fine. La réalisation du petit objet, plus ou moins abouti, peut servir. Cela peut être un petit sac, un bonnet… De même, en atelier bois, les élèves fabriquent, par exemple, des bols qui serviront de coupelles pour les oiseaux, qu’ils disposeront dans le parc. En fin de primaire, ils conçoivent un sac à destination des premières classes. Ils doivent y mettre tout leur cœur même s’ils savent qu’ils ne vont pas garder leur objet. On leur apprend que l’on fait les choses pour soi mais aussi pour les autres, la notion de détachement. Dans la démarche Montessori, on travaille énormément la motricité fine via des activités (attacher une ceinture, faire les lacets sur une planchette...) mais il n’y a pas forcément de finalité c’est l’une des différences avec Steiner, qui lie les activités à la vie, tout à un sens », précise Madame Lusseyran.

Autre principe fondamental des écoles Steiner : mener les activités jusqu’au bout. « C’est capital de finir ce que l’on a commencé. D’ailleurs, en tant que jardinière, on doit veiller à l’épanouissement des enfants mais notre rôle est crucial, les petits passant par l’imitation. Nous nous devons de donner le meilleur modèle : à table on finit toujours notre assiette. Tous les détails sont importants ! », souligne Jeanne.

L’école du vivre-ensemble

« Le repas, c’est une fête ! », clame la directrice. Il faut dire que personne ne boude la cantine. La nourriture est 100 % bio et tout est cuisiné sur place. Ce qui ravit particulièrement Maeva : « Les repas sont toujours bons ! », se réjouit la petite fille. Au réfectoire, il n’y a point d’agents de service et chacun se sert : ce jour-là au menu : couscous à la viande ou végétarien selon les goûts et principes.

Autour de chaque table, les enfants du primaire participent au service, mettent les couverts, apportent les plats disposés sur le chariot, qu’ils ramènent en fin de repas au cuisinier. Le tout dans la bonne humeur ! Une manière de les responsabiliser et de les initier au partage des tâches, et de les inviter à faire de même à la maison. Car la vie dans cette école ressemble à une vie de famille. La raison ? Les élèves gardent la même classe pendant douze voire quinze ans. Ils n’en changent qu’à l’entrée au CP. « Il y a peu d’endroits au monde où l’on apprend à vivre ensemble de la sorte », pointe la directrice. « Cela pousse chaque élève à s’adapter aux autres. Ils peuvent se découvrir. Ils se connaissent vraiment. On crée une communauté, c’est vrai, mais c’est aussi un réseau quand ils sortent de l’école », ajoute-t-elle. Pour Raphaël, « cela est très positif pour les gens qui sont là depuis le début. Ils ont déjà leurs amis, ils sont soudés. Pour les nouveaux, comme c’était le cas pour moi, c’est un peu plus difficile. Dans l’école publique, l’enfant, qui change de classe chaque année, est obligé d’aller vers les autres, de faire un effort socialement. Il doit apprendre à sourire et ce n’est pas plus mal. En revanche, mon frère ne l’a pas vécu comme moi. Mais lui a commencé Steiner dès 3 ans puis est resté jusqu’à la fin du collège. Il s’y sentait vraiment bien et était proche de ses camarades ».  

Ouverte sur le monde

Fermée l’école Steiner ? Bien au contraire ! L’apprentissage des langues est primordial. Dès le cours préparatoire, les enfants sont initiés à l’allemand et à l’anglais. Ensuite, dès la quatrième année du collège, s’ils le souhaitent, les élèves peuvent effectuer des stages linguistiques allant de 4 à 12 semaines à l’étranger. « Ils sont logés dans une famille d’accueil et sont plongés dans une culture complètement différente de la leur. J’ai même un élève qui est partie en Inde, un autre en Australie », se souvient la directrice.

A Verrières, l'école s'ouvre aussi à ceux qui ne fréquentent pas forcément l'établissement. Tous les mercredis, Jeanne anime l'atelier "Premiers pas" destiné aux parents et leurs bébés, également accessible aux personnes extérieures de l'école. « Un moyen de decouvrir la pedagogie de l'intérieur », que l'on en soit adepte ou non. Sans oublier le marché de Noël annuel, véritable fête, qui permet à tous de découvrir les lieux.

Concernant le côté spirituel de ces écoles souvent soulevé par ses détracteurs, Madame Lusseyran affirme que cette notion est souvent mal comprise. « Cette pédagogie prend le vêtement du pays dans lequel elle se trouve. Par exemple, à Sekem, en Egypte, la pédagogie se déploie dans un contexte essentiellement musulman, en Inde, où de nombreuses religions se côtoient, les élèves fêtent Ganesh, les fêtes chrétiennes, hindous, mais aussi Zoroastre. Ici, on évoque les fêtes chrétiennes et païennes car nous sommes dans un pays judéo-chrétien. Mais ce n’est pas pour autant qu’on catéchèse les élèves. A travers l’enseignement qui est donné dans les petites classes, mais aussi l’étude des civilisations, les élèves sont amenés à fréquenter la Torah, le Coran, l’hindouisme. Il y a une réelle ouverture sur le monde. C’est aussi ça la dimension spirituelle : ne pas enfermer l’être dans une unique religion mais lui montrer comment l’humanité est plurielle. Une manière de nourrir l’âme les enfants, qui sont chacun des êtres singuliers et uniques », explique la directrice.  

Les élèves sont par ailleurs très tôt confrontés à la découverte de la vie réelle et du labeur. En classe équivalente au CE2, « il y a toute une période sur les métiers ». Et pour en avoir une idée concrète, « l’enseignant amène les élèves chez le cordonnier, le fleuriste, on sort de l’école pour montrer les choses », explique la professeure de français. Une dimension soulevée par Raphaël : « Cette école met en avant d’autres valeurs et une éducation plus ouverte ».

En plus des stages forestiers et à la ferme à 16 ans, qui leur permettent de voir la rudesse mais aussi les valeurs et la beauté des métiers manuels et artistiques explique Madame Kamp, ils effectuent un stage industriel. « Ils se rendent ainsi compte du processus de fabrication des produits, de la difficulté des tâches répétitives qu’il y a d’un bout à l’autre de la chaîne. Ils comprennent ainsi que tout ne tombe pas du ciel ! L’année suivante, ils ont un stage social. Ils vont devoir se confronter à la dépendance de l’autre, soit avec des tout-petits dans des crèches ou encore en Ehpad avec des personnes âgées soit auprès de personnes handicapées. Cela leur permet de savoir ce qu’ils peuvent apporter à autrui. A l’issu de ces stages, ils passent un oral devant un public. C’est aussi l’année du chef d’œuvre, un projet personnel à créer. Toutes ces expériences participent à la connaissance de soi et les erreurs d’orientation sont moins nombreuses. Le taux de réussite au bac est élevé et nous avons moins d’élèves décrocheurs », détaille la professeure. « On leur offre la chance d’apprivoiser de vraies choses. Et à l’âge de 18 ans, ils se connaissent eux-mêmes. C’est un véritable atout », ajoute Madame Kamp. « Toutes ces approches peuvent aussi déclencher des vocations. Même s’il est vrai que la majorité des élèves deviennent ingénieurs à l’issue de leur études », précise la directrice.

Une adaptabilité à toute épreuve

Avec un tel décalage par rapport au système classique, certains parents pourraient craindre pour la suite des études de leur enfant en supérieur ou lors d’une réorientation. Pourtant l’adaptabilité semble être l’adage des élèves et anciens élèves Steiner. Même s’il n’a pas poursuivi ses études là-bas, Raphaël a su mesurer cet aspect : « Avant d’arriver à Steiner, j’étais un élève dans la moyenne basse. J’ai intégré une classe entre le CM2 et la 6e. Les cours me semblaient assez simples. Mais bizarrement, j’ai eu beaucoup plus de facilités après lorsque j’ai intégré un collège classique. Car cette école nous apporte d’autres choses. Il ne s’agit pas de rabâcher bêtement nos leçons. Si l’éducation est moins stricte, semble au préalable moins poussée, cela m’a certainement aidé à être plus motivé, à vouloir travailler par moi-même », raconte le jeune homme.

Dans sa thèse intitulée « Adaptation des jeunes à l’enseignement supérieur Les pédagogies nouvelles : aide à l’adaptation ou facteur de marginalisation ? », Rébecca Shankland, psychologue clinicienne, confirme que les enfants qui sortent d’écoles alternatives comme Steiner font preuve d’une grande adaptabilité. « Comme dans notre étude, une majorité des anciens élèves aux États-Unis considèrent que la scolarité à l’école Steiner a contribué de manière constructive à leurs capacités d’adaptation à l’enseignement supérieur en développant la confiance en soi, la capacité d’apprendre à apprendre, et l’esprit critique », peut-on lire. « Ils considèrent cependant avoir des lacunes dans certaines matières, mais qui peuvent facilement être comblées grâce à leur goût pour l’apprentissage de nouvelles choses ». (...) Dans notre étude, les anciens élèves du système traditionnel affirment plutôt avoir développé ces qualités et compétences dans l’enseignement supérieur, en particulier l’autonomie et la créativité », écrit-elle.

Ecole steiner  : pour tous les enfants ?

Loin des clichés qu’on lui prête parfois, l’institution Steiner offre donc de nombreux avantages aux enfants : « les écoles à pédagogie nouvelle semblent mieux préparer les futurs étudiants : capacité à être seul sans se sentir abandonné, rechercher de l’aide et l’utiliser, créer des relations, choisir une orientation satisfaisante… Ces caractéristiques laissent penser que la qualité d’adaptation, se retrouverait pour ces sujets, dans la vie en générale », détaille Rébecca Shankland.

Pour autant, ce système n’est pas fait pour tous les enfants. « Quelle que soit la pédagogie, je ne pense pas qu’il en existe une faite pour tous les élèves », prévient Madame Lusseyran. « Certains ont besoin d’un cadre plus strict », déclare Jeanne. « Il faut trouver l’endroit où l’enfant s’épanouira le plus. C’est pour cela que Steiner a toujours défendu le pluralisme scolaire. On milite pour que l’offre pédagogique soit multiple afin que les parents puissent choisir. Lorsqu’ils font le choix d’une école comme la nôtre, ils payent l’Éducation par leurs impôts mais la repayent car il s’agit d’une école privée », concède la directrice. « L’aspect financier peut en effet être difficile à gérer. Certaines familles arrêtent la scolarité de leur enfant car ils ne peuvent plus suivre financièrement. C’est vraiment dommage et frustrant quand on aime vraiment cette façon d’apprendre », déplore Jeanne.

Si la pédagogie Steiner a été la cible de vives critiques, il y a encore quelques semaines, accusations d’ailleurs démenties par communiqué de presse, les parents « se sentent souvent attaqués », confie Jeanne. « On se doit se justifier, on a l’impression que l’on nous prend pour de mauvais parents car les idées reçues sont très fortes, et c’est parfois un peu lourd par rapport à la société et l’entourage. » De leurs côtés, les écoles Montessori, souvent hors contrat se multiplient, mais la pédagogie n’est pas toujours appliquée comme elle devrait l’être et déçoit de nombreux parents, révélait une enquête France Info publiée en 2019. C’est pourquoi, qu’importe l’établissement choisi (public, privé, pédagogie alternative), il convient de toujours s’informer, de se renseigner auprès des parents ou des élèves pour éviter les déconvenues, balayer les éventuelles rumeurs, et ainsi offrir un cadre bienveillant et épanouissant à son enfant.

 

Photo : © école Steiner de Verrières-le-Buisson / © Stocklib