“Le meilleur c’est le bio !” Confessions de Marc Veyrat, chef et défenseur du bio

Le chef Marc Veyrat lors de son interview avec Bio à la Une à la bio dans les étoiles
“Le meilleur c’est le bio !” Confessions de Marc Veyrat, chef et défenseur du bio
Par Manon Laplace publié le
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Interview de Marc Veyrat par Manon Laplace et Mathieu Doutreligne pour Bio à la Une

Sous son emblématique chapeau en feutre noir, Marc Veyrat est un ardent défenseur du bio et des produits sains. Sans mâcher ses mots, le chef fustige “la nourriture industrielle préfabriquée” et “les saloperies” avec lesquelles on arrose les cultures conventionnelles. Le discours résonne comme une saillie verbale de Jean-Pierre Coffe. Invité à débattre de l’avenir de l’alimentation biologique lors de La bio dans les étoiles (rendez-vous annuel orchestré par la Fondation Ekibio qui propose des débats et conférences autour du bio et de ses enjeux) vendredi 17 avril, Marc Veyrat se confie à Bio à la Une au sujet de son engagement pour une alimentation de qualité, de son approche de la cuisine et de son lien à la terre.

Bio à la Une : Vous êtes passé par la cuisine moléculaire puis revenu à une cuisine de terroir, pourquoi un tel revirement ?

Marc Veyrat : Tout simplement parce que j’ai pris conscience que dans la cuisine moléculaire beaucoup de choses n’étaient pas bio, et étaient antinomiques par rapport à ce que j’ai vécu (la ferme de ses parents et grand parents en Haute-Savoie - ndlr). Le moléculaire était une erreur de jeunesse. Certaines choses dans la cuisine moléculaire sont très bonnes, comme l’azote, mais le reste n’a pas de raison d’être. Je crois qu’on peut le dire : les additifs ne sont pas très sains (il sourit). Et ils ne sont pas en droit d’entrer dans nos estomacs.

Les grands chefs sont les ambassadeurs d’une cuisine de qualité. Peu pourtant se font les porte-paroles de l'alimentation biologique. À votre avis, le bio ne fait pas suffisamment rêver ? Et quant à vous, pourquoi avoir choisi de le défendre ?

Marc Veyrat : Tout simplement parce que j’ai pris conscience que dans la cuisine moléculaire beaucoup de choses n’étaient pas bio, et étaient antinomiques par rapport à ce que j’ai vécu (la ferme de ses parents et grand parents en Haute-Savoie - ndlr). Le moléculaire était une erreur de jeunesse. Certaines choses dans la cuisine moléculaire sont très bonnes, comme l’azote, mais le reste n’a pas de raison d’être. Je crois qu’on peut le dire : les additifs ne sont pas très sains (il sourit). Et ils ne sont pas en droit d’entrer dans nos estomacs.

Que dire à ceux qui, contrairement à vous, ne sont pas nés “derrière le cul des vaches” et qui sont peut-être moins sensibilisés ?

On leur dit qu’on a un rôle de transmission. Que c’est important.

Vous pensez que le message n’est pas suffisamment relayé ?

Pour moi on n’est pas informé. Les lobbyistes ont mis des vetos intra et extra muros. Il faut plus d’échange, plus de partage, comma ça a été le cas aujourd’hui avec le Professeur Gilles-Éric Séralini ou José Bové, qui m’en ont mis plein la tête tant leurs témoignages sont extraordinaires (Le professeur Séralini et le député européen José Bové intervenaient à l’occasion des conférences organisées pour La bio dans les étoiles - ndlr). Mais pour l’instant l’information circule surtout parmi ceux qui sont déjà convaincus par le bio, il faut aller plus loin. Il faut institutionnaliser ce système bio, le rendre populaire. On a privé les gens du bio, il faut le leur rendre. Leur dire que le bio c’est leur vie, leur carburant. La nourriture doit reprendre un côté spirituel.
 


 

Au-delà de la santé, pensez-vous que le bio fasse une différence en terme de goût ? 

Souvenez-vous il y a vingt ans, quand les gens disaient “On ne veut pas de bio, on veut quelque chose qui a du goût”. Alors que l’on rentre désormais dans un système inverse : pour avoir du bon, il faut avoir du bio. Le meilleur c’est le bio. Les produits bio sont excellents. C’est là à mon avis que l’on va gagner. C’est le mot plaisir qui va l’emporter.

Ce plaisir dont vous parlez passe-t-il aussi par l’acte de cuisiner ? 

L’important c’est la cuisine de tous les jours. Savoir acheter une salade par exemple, une vraie salade, la laver, y ajouter des tomates, des échalotes… On n’achète pas une salade sous vide ! 60 % des salades dans les grandes surfaces sont emballées. Sans parler des produits pour les conserver et de l’emballage plastique qui va avec. On marche sur la tête. L’écologie, le bio, c’est du bon sens avant tout.

On sait que 75 % de la biodiversité des fruits et légumes ont été perdus en moins d'un siècle. En tant que chef cuisinier, c’est une réalité dont vous mesurez l’impact ? 

Je suis orphelin de cela. Avec les semences hybrides notamment, on a une perte folle. Que veut-on à la fin ?, Manger quatre, cinq produits ? C’est ce que les lobbyistes veulent nous faire avaler ? Je vis dans un massif encore assez protégé, mais je vois disparaître certains espèces. C’est un crève-coeur. Je voudrais refaire la gnôle (eau-de-vie - ndlr) que faisait mon père avec des pommes croison, mais ça disparaît. Il faut faire une chaîne humaine et dire que ça suffit ! Sinon on va droit dans le mur. Mais je reste optimiste. Pour les enfants qui viendront après nous, on ne peut plus se permettre de faire n’importe quoi.
 


 

Y a-t-il des produits qu’on ne vous verra jamais plus utiliser ? 

Tous les gélifiants, comme la gomme xanthane, ce sont des saloperies ! J’en ai utilisé, comme beaucoup de grands chefs, mais je ne veux plus voir ça chez moi. Regardez les chaîne de fast-food, on sait très bien que la viande est pleine de gras, bourrée de produits chimiques, on sait très bien que les sauces sont faites à base de gélifiants. Mais ça ne concerne pas que les fast-food, c’est l’ensemble de cette cuisine préfabriquée le problème.

C’est simple, on ne peut pas continuer à produire par l’intermédiaire de grands lobbyistes qui produisent les aliments comme on produit des voitures. Mon combat est de faire passer ce message. Auprès de mes élèves dans un premier temps, parce que nous cuisiniers sommes la vitrine de l’alimentaire dans le monde.

On repproche souvent au bio d'être trop cher. Pensez-vous que les produits biologiques puissent être accessibles aux petits budgets ?

Certes le bio coûte environ 10 % plus cher que les aliments lambda, mais le calcul est mauvais. Tout d’abord : nous mangeons trop. Et puis cuisinons un petit peu ! Et si l’on veut faire des économies : arrêtons de manger de la viande. Mieux vaut acheter des lentilles, des pois chiches, des pois cassés : c’est bourré de protéines.