Poulet bio : tout savoir de l’élevage à l’abattage

Poulets bio dans une exploitation en auvergne
Poulet bio : tout savoir de l’élevage à l’abattage
Par Mathieu Doutreligne publié le
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Que se cache-t-il derrière un poulet bio ? Comment est-il élevé et abattu ? Qui sont les éleveurs qui le nourrissent ? Contactés par le syndicat de défense des volailles fermières d’Auvergne (SYVOFA), nous nous sommes rendus, en octobre dernier, dans la région des volcans - 6e plus belle région du monde selon le dernier classement Lonely Planet - afin de rencontrer un éleveur de poulets bio et son exploitation, mais aussi visiter un abattoir.

Une clarté délicate

À l’heure où beaucoup de consommateurs s’interrogent sur leur consommation de viande, de nombreuses images circulent sur internet en montrant l’horreur des conditions d’élevage des animaux et la cruauté présente dans certains abattoirs. Ces images sont généralement mises en ligne par des sites de défense du droit des animaux. On pense notamment aux dernières vidéos de l’association L214 sur l’abattoir d’Alès, ou plus récemment sur celui de Vigan.

Leur intention est noble, car les abus inhumains doivent être dénoncés et combattus avec la plus grande sévérité, mais il devient alors difficile de se faire un avis général sur la question sans tomber dans les caricatures et les cas extrêmes. En effet, ces clichés ont pour objectif de culpabiliser le consommateur de viande et de prôner le végétarisme, en laissant penser que la majorité des éleveurs et des abattoirs sont à mettre dans le même panier.

Chaîne de découpe dans l'abattoir Maison Pouzadoux en Auvergne

Sans arrière pensée, nous avons visité l’élevage de poulets bio de Mr Bernard Devoucoux à Brout-Vernet dans l’Allier et la Maison Pouzadoux, abattoir de poulets, dindes, canards et lapins à Monteignet-sur-l'andelot, également dans l’Allier.

Le poulet bio en France et en Auvergne

En France, la demande en volaille biologique est largement supérieure à l’offre, et la filière recrute. Derrière les Pays de la Loire, le Poitou-Charentes et l’Aquitaine, l’Auvergne est la 4e région productrice de poulets de chair bio en France avec une production annuelle de plus de 1 million de volailles.

La filière avicole biologique vend en majorité sous forme découpée (65%) en Grandes Moyennes Surfaces et magasins bio (91.5%). Les carcasses entières n’ont plus la côte et les circuits courts (vente à la ferme, AMAP, marchés) ne représentent qu’une faible part des ventes.

Chaque poulet bio doit disposer de 4m² en plein air

En France, le poulet (bio, non bio et labels) est la viande la plus consommée, représentant plus d'un quart des achats de chair animale. Chaque année, ce sont près de 800 millions d'animaux qui sont abattus dans l'hexagone. La consommation est en hausse, toutefois, la production baisse du fait de la concurrence européenne. Ainsi, de nombreuses exploitations productrices de poulets non bio ont fermé.

Éleveur bio et fier de l’être

Bernard Devoucoux est entré dans l’univers du bio en 1977. Ce fut son premier choix conscientisé après la fin du lycée agricole. Jadis, il décide de reprendre la ferme familiale de 30 hectares. Il démarre par la vente directe, motivé par l’un de ses amis dont les parents produisaient déjà en agriculture biologique.

Avec une forte volonté de respecter la terre qui le fait vivre, Bernard fait la promotion de la polyculture d’élevage qui consiste, en opposition à la monoculture, à cultiver plusieurs céréales et à élever des animaux sur la même exploitation. Les plantes nourrissent en partie les animaux et ces derniers enrichissent la terre par leurs déjections.

Bernard Devoucoux dans l'un de ses deux poulaillers

Aujourd’hui à la tête de 110 hectares, il élève 80 bovins, 75 brebis et agneaux, cultive du blé, de l’épeautre, du maïs, l’association triticale - pois (semé et récupéré ensemble) et de la féverole.

En 2002 il décide de construire un nouveau bâtiment de 400m², pour élever des poulets bio, puis un second en 2009 qu’il recouvre de panneaux solaires. Le marché avicole biologique progresse d’environ 6% tous les ans et les éleveurs recrutent, car la production n’est pas à la hauteur de la demande.

Tableau comparatif des modes de production bio et standard

Les volailles de Bernard grandissent par lot de 4.000 sur paille (issue de la ferme) et disposent d’un parc de 1.6 hectare. La parcelle est buissonnante, car le poulet est un animal de savane qui recherche l’ombre. Dès leurs premiers jours, en été comme en hiver, les poulets évoluent dans un environnement à 31°C et reçoivent une alimentation riche en pois et soja du Sud-ouest. La température est baissée de 1°C tous les jours pour se stabiliser à 18°C. Les soins y sont quotidiens et en cas d’apparition de maladie, les animaux sont traités par les plantes.

Maïs produit sur la ferme servant à nourir une partie des animaux

Lors de notre visite, Bernard, passionné par le bio, parlait de ses bêtes avec beaucoup de respect. Les volailles que nous avons vu semblaient en parfaite santé et bien que les portes soient ouvertes sur l’extérieur, peu de poulets s’aventuraient dehors. Ils restent souvent timides avant 40 jours.

Au bout d'une certaine période imposé par la charte d'élevage biologique, les volailles sont envoyées à l'abattoir, un établissement dont Mr Devoucoux connaît parfaitement le directeur, mais aussi les techniques et méthodes utilisées pour mettre fin à la vie de ses animaux.

Un abattage maîtrisé pour plus de qualité

C'est après 81 jours d’élevage que la fin est annoncée, que la chaîne commence. L’enlèvement des poulets bio de Mr Devoucoux a toujours lieu la nuit, afin de les effrayer le moins possible. Il faut une heure à quatre personne expertes pour mettre les 4.000 poulets dans les caisses de transport. Ils arrivent par camion à l’abattoir en trente minutes et sont déposés dans une pièce sombre.

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Suspendus par les pattes, ils perdent rapidement connaissance en étant plongés dans un bain électrisant. Ainsi endormis, ils sont ensuite saignés manuellement ou automatiquement (suivant les abattoirs). La chaîne continue, ils se vident de leur sang puis sont placés deux minutes dans une eau à 50°C. Il faut enlever les plumes sans abimer la peau. Vient la phase de préparation finale. Les viscères sont aspirés, le coeur, le foie et le gésier mis de côté. Il ne reste plus qu’à couper la tête, les pattes et ficeler le tout. En 15 minutes, les poulets sont intégralement préparés sur une chaîne qui fait travailler une petite dizaine de personnes. Enfin, ils sont entreposés entre 0 et 4°C avant le transport pour une durée de consommation de 10 à 14 jours suivant le mode de conditionnement.

Poulet bio ficelé, prêt à la vente

Le prix national du poulet bio vendu entier est d’environ 9,5€/kilo. Il tourne autour de 5,6 - 6€/kilo pour les labels et oscille entre 2.5 et 3€/kilo pour les poulets classiques dont la durée de vie moyenne est inférieure à 40 jours. Le prix supérieur du poulet bio est en majorité dû au coût d’une nourriture biologique labellisée.

Un établissement comme les autres ?

La Maison Pouzadoux a démarré ses activités il y a 15 ans. En étant à la recherche d’une qualité de viande supérieure, elle a fait le choix du bio. Toutefois, l’abattoir n’est pas certifié bio - c’est un non-sens - mais une majorité des animaux qu’il abat le sont, car respectant la charte d’élevage biologique. Les autres, issus de l’élevage conventionnel, sont abattus de la même manière.

La maison Pouzadoux est un abattoir fermier de petite taille. Il peut abattre 2.500 animaux par jour quand les plus importants en tuent jusqu’à 300.000. En discutant avec le responsable de l’établissement, nous apprenons sa méfiance à l’égard des grands médias qui, selon lui, recherchent des scoops plutôt que de l’information. En quête d’amélioration, la filière recherche actuellement de nouvelles normes plus strictes pour l’horizon 2017 dans le but d'homogénéiser l'interprétation du règlement européen bio dans tous les états membres.

Source : auvergnebio.fr - volaille-auvergne.com - planetoscope.com - volaille-francaise.fr