Faut-il se méfier des aliments à base de soja ? Sojaxa répond aux allégations de l’UFC-Que choisir

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Faut-il se méfier des aliments à base de soja ? Sojaxa répond aux allégations de l’UFC-Que choisir
Par Elodie-Elsy Moreau publié le
Rédactrice en chef
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Ce jeudi 23 mai, l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a annoncé avoir alerté les autorités françaises sanitaires et de la concurrence au sujet des teneurs "particulièrement préoccupantes en phyto-estrogènes, éléments suspectés d’être des perturbateurs endocriniens", dans plusieurs aliments à base de soja. Qu’en est-il réellement ? Eléments de réponse.

Le soja est dans le collimateur de l’UFC-Que Choisir. Hier, l’association de consommateurs a annoncé avoir saisi les autorités françaises sanitaires suite à un test réalisé en laboratoire sur des produits à base de soja, révélant des teneurs particulièrement préoccupantes en phyto-estrogènes contenues dans les produits à base de soja, des composés fortement suspectés d’être des perturbateurs endocriniens. Pour l’Union fédérale des consommateurs, l’Anses doit redéfinir "des doses maximales d’application obligatoires". Par ailleurs, elle demande à la DGCCRF d’obliger les fabricants à faire figurer sur les étiquettes de leurs produits les teneurs en phyto-estrogènes ainsi que des "restrictions à la consommation" pour les enfants et les femmes enceintes.

"5 fois la dose maximale tolérable"

L’association de consommateurs a passé au crible 55 aliments à base de soja (des plats préparés, en passant par les biscuits, desserts, boissons, apéritifs et sauces). En se basant sur les seuils jugés tolérables par l’Anses, l’UFC-Que Choisir avance que certains produits affichent jusqu’à 5 fois la dose maximale acceptable dans une seule portion ! Selon cette évaluation, "un verre de la boisson au soja « Sud-Ouest nature » de la marque Cereal Bio apporte à lui seul près de 150 % de la dose maximale admissible pour un adulte, quand une portion du « couscous gourmand protéines de soja » de Jardin Bio dépasse trois fois et demie cette dose. Pire, une seule poignée de graines de soja toastées pour apéritif « Soya party nature » de Soy, renferme plus de 5 fois la dose maximale !", peut-on lire sur le communiqué de presse.

Le soja est aussi présent dans des aliments qu’on ne soupçonnerait pas. L’UFC indique que ces protéines "bon marché" sont parfois ajoutées par les fabricants dans les boulettes au bœuf, nuggets au poulet ou encore tomates farcies. Sur une douzaine de produits analysés par l’association, près de la moitié contenait, dans une seule portion, une teneur équivalente à plus d’un quart de la dose maximale à ne pas dépasser. Les moins bons élèves étant les boulettes « au bœuf » Auchan, Leader Price et Leclerc "dont chaque portion apporte respectivement 68 %, 60 % et 42 % de la dose maximale admissible pour un enfant."

Au vu de ces résultats, l’UFC-Que choisir recommande aux parents d’éviter de donner des produits contenant du soja aux petits de moins de 3 ans. Un avertissement également adressé aux femmes enceintes.

Des "modulateurs" plutôt que des pertubateurs endocriniens ?

Suite à cette publication, Sojaxa n’a pas tardé à réagir. La première association d’entreprises proposant des produits au soja français récuse cette dangerosité en soulignant que ces tests ne reposent pas "sur une expertise scientifique"

A propos des potentiels risques de perturbation endocrinienne, Sojaxa relève l’avis du Dr Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition de l’Institut Pasteur de Lille, publié en février 2019 : "Dans l’état actuel des connaissances, on peut être rassuré. (…) Qualifier le soja de perturbateur endocrinien me semble tout à fait inapproprié bien qu’il y ait des effets hormonaux", avait-t-il déclaré. Elle indique également que "les 2 isoflavones majeures du soja, la daidzéine et la génistéine", ont une "activité  bien moindre et différente de celle des œstrogènes féminines. L’Autorité européenne de sécurité des aliments a récemment conclu que les isoflavones ne nuisent pas à la santé des femmes ménopausées (notamment vis-à-vis du cancer du sein et concernant la fonction thyroïdienne)", précise Sojaxa dans son communiqué. De rajouter :  les "isoflavones du soja devraient être davantage considérés comme des modulateurs" et non comme des PE. Mais les avis d’experts divergent.

Le soja, pas avant 3 ans

"On sait que le soja contient des phyto-estrogènes sous forme d’isoflavones. Ces produits sont potentiellement dangereux", nous explique Alain Bocquet, pédiatre et responsable du Groupe nutrition de l’AFPA (Association Française de Pédiatrie Ambulatoire), même s’il confirme qu’à ce jour, aucune étude scientifique n’a confirmé cette thèse. "Mais le risque est réel pour les nourrissons, c’est pourquoi, par prévention, les laits infantiles à base de protéines de soja ne sont plus fabriqués en France depuis peu ", informe-t-il.

Rappelons également que les jus végétaux, notamment au soja, ne doivent pas être donnés aux tout-petits. Ils ne peuvent combler leurs besoins nutritionnels. "Les produits à base de soja sont également déconseillés durant la grossesse et aux femmes présentant une prédisposition aux cancers féminins car leur composition peut interférer dans les hormones féminines", poursuit le médecin.

Oui au soja, non aux excès

Pour le reste de la population, le docteur Bocquet est beaucoup moins tranché, tout étant une question de dosage selon lui. "Entre un bébé qui pouvait en consommer tous les jours par le biais de préparations infantiles, et un adulte qui consomme du soja de temps en temps, c’est différent. Il est juste important de distinguer les populations à risque. Il faut simplement faire attention à la fréquence et de ne pas en abuser", avertit le spécialiste.

De son côté, l’UFC-Que Choisir préconise de consommer au maximum un produit par jour à base de soja, rappelant que c’est "le cumul qui pose problème", et qu’une consommation régulière "expose les consommateurs à de forts dépassements équivalents à deux fois et demie la dose maximale admissible pour les adultes ou les enfants". Mais Sojaxa, qui déplore que ces tests soient "en désaccord avec les recommandations et la réalité de la consommation", est formelle : "Si aujourd’hui, plus de 6 Français sur 10 ont déclaré avoir mangé des produits au soja, rares sont ceux dont la consommation de produits au soja induirait un dépassement de l’apport quotidien en isoflavones proposé par l’Anses", écrit-elle. 

"Comme pour tout aliment, il faut évaluer les produits au soja au sein d’une alimentation diversifiée : personne ne consomme exclusivement des produits au soja ! Dans une alimentation équilibrée, les aliments au soja apportent leur contribution nutritionnelle, dont une quantité modeste mais utile d’isoflavones", détaille Gwénaële Joubrel, directrice scientifique de Sojaxa. 

Un aliment controversé aux multiples bienfaits

Les polémiques sur le soja ne datent pas d’hier. Entre bénéfices et éventuels risques pour la santé, les études sont nombreuses. Aujourd’hui, cet aliment est surtout considéré comme une véritable alternative à la viande alors que les experts appellent à réduire notre consommation de protéines animales. En plus de contenir 9 acides aminés, le soja est en effet riche en protéines.

Olivier Clanchin, président de Sojaxa souligne que "les produits au soja, issus de l’agriculture française, garantis sans OGM", proposés par les membres de son association "ont toute leur place dans le cadre d’une alimentation diversifiée et équilibrée. Ces produits, tels que nous les concevons, sont une opportunité pour répondre aux enjeux de santé individuels et collectifs actuels tout en étant respectueux de l’environnement".

Sojaxa affirme "se tenir à disposition de l’Anses, dont l’expertise est remise en question par Que Choisir " afin de faire toute la lumière sur cet aliment de plus en plus plébiscité. En effet, d’après le docteur Bocquet, cette alerte de l’UFC-Que choisir intervient à l’heure où les régimes végétariens et vegan deviennent des références pour de nombreux consommateurs, certains d’entre eux n’échappant pas aux excès.

Mais comme toutes les bonnes choses, ne suffirait-il pas d’en consommer avec modération ? Les autorités sanitaires devraient prochainement se reprononcer sur la question. A suivre.  

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