Renverser l’obésité et le diabète par l’alimentation cétogène

alimentation cétogène
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© Stocklib
Par Charlotte Vierne publié le
Journaliste indépendante
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Renverser l’obésité, le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, la goutte ou encore la maladie du foie gras par l’alimentation faible en glucides : c’est le défi relevé avec succès par la Clinique Reversa depuis sa création en janvier 2017. Une révolution dans le traitement des maladies chroniques liées au mode de vie.

Au Québec, l’institution à but non lucratif créée par le médecin généraliste Evelyne Bourdua-Roy a déjà changé le quotidien de plus de 1500 patients. Perte de poids, regain d’énergie, baisse de la tension artérielle, diminution voire sevrage des médicaments (en particulier de l’insuline) et renversement du diabète ou de l’hypertension artérielle : « ils améliorent tous quelque chose ! »  Alors que les recommandations alimentaires en matière de diabète préconisent traditionnellement une réduction des apports en graisses saturées et postule que les sucres complexes (féculents) et les sucres simples (fruits) permettent de mieux contrôler la glycémie, la clinique Reversa opère un virage à 180° qui n’est pas sans étonner : « Il faut expliquer aux diabétiques de type 2 dont le principal problème est qu’ils ont trop de sucre dans le sang, qu’il faut manger moins de sucre ! Un métabolisme malade comme le leur ne tolère pas les féculents, pourtant traditionnellement recommandés par les autorités sanitaires ! » Un postulat de bon sens qui, pourtant, ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté médicale. « Quand j’ai commencé, s’étonne Evelyne Bourdua-Roy, c’était très controversé ! Et si aujourd’hui les grands organismes qui chapeautent le diabète partout dans le monde (l’American Diabetes Association à l’Association européenne pour l’étude du diabète) ont, entre 2019 et 2020, accepté de soutenir l’alimentation faible en glucides, personne n’en parle ! »

Code Obésité, une révélation

Pour Evelyne Bourdua-Roy, tout a commencé en 2016. Médecin généraliste au Québec, la jeune mère de famille a alors du mal à se débarrasser des nombreux kilos post-accouchement accumulés et tombe sur le livre Code obésité du néphrologue canadien Jason Fung. Elle y découvre que l’obésité est un phénomène hormonal et que l’insuline est responsable du dérèglement de l’organisme. En réalité, ce sont finalement « les vraies racines » de nombreuses maladies chroniques liées aux modes de vie telles que le diabète de type 2 qui lui apparaissent tout à coup. « Ce fut une véritable révélation ! J’ai découvert qu’il y avait d’autres façons de traiter les maladies qu’avec des médicaments ! » Pour en avoir le cœur net, elle passe une semaine en immersion dans la clinique de son confrère canadien à Toronto à l’automne 2016. Une formation au cours de laquelle elle assiste médusée au renversement de nombreuses pathologies : « Certains patients avaient perdu plus de 45 kg, d’autres avaient réussi à réduire fortement les doses d’insuline. Tous étaient en train de rebrousser le chemin qui les avait conduits à la maladie ! »

De retour à Québec, elle décide de créer sa propre clinique qu’elle baptisera Reversa, en clin d’œil au renversement des pathologies qu’elle espère pouvoir opérer. Contrairement à l’institution dirigée par Jason Fung centrée sur le jeûne, elle construit d’abord son protocole autour d’une alimentation faible en glucides.

Le culte du gras !

La clinique propose un parcours de soins complet sur une durée de six mois. Essentiellement basé sur l’alimentation cétogène, le protocole forme les patients à une nouvelle hygiène alimentaire. Pour Evelyne Bourdua-Roy , il ne s’agit pas d’un régime mais bien d’un véritable « mode de vie » à mettre en place sur le long terme (en pratique, à vie), sous peine de réenclencher le processus ayant conduit à la maladie. Prévoyant un apport de glucides limité à 20 g par jour, le « régime » cétogène suppose d’éviter le plus possible les aliments raffinés qui, après avoir été ingérés, se transforment en molécules de glucose : exit donc le pain, les pâtes et, de manière générale, toutes les céréales. Les pommes de terre sont également en banc de touche, de même que les fruits (en particulier les fruits tropicaux) et les huiles ou graisses raffinées (colza, tournesol, pépin de raisin, margarine) trop riches en oméga 6 et donc inflammatoires. « On privilégie les huiles naturelles d’olive, d’avocat, de coco et le beurre : des gras que l’être humain consomme depuis la nuit des temps et avec lesquels il a évolué ».

Si les protéines sont autorisées dans la limite des recommandations sanitaires habituelles, « en matière de calories, ce sont les gras qui apportent l’énergie dans le corps » car, dès lors que l’on diminue drastiquement nos apports en sucre, il faut augmenter nos apports en lipides pour compenser. » Opérant une véritable « bascule métabolique », cette nouvelle hygiène alimentaire entraîne la production de corps cétoniques (substances résultant de la dégradation des graisses dans l’organisme), « un carburant alternatif que le corps produit quand l’insuline est basse dans le sang. » Exit donc le glucose « consommé en excès en Occident » et responsable de nombreux disfonctionnements métaboliques pour faire place aux acides gras, « particulièrement bénéfiques pour le corps ».

Vaincre la résistance à l’insuline

Couplée à de l’activité physique et à un sevrage médicamenteux progressif effectué sous surveillance médicale, cette hygiène de vie constitue une réponse efficace à nombre de pathologies puisant leurs racines dans la résistance à l’insuline : hyperinsulinémie, diabète de type 2, syndrome métabolique, hypertension artérielle, goutte, syndrome des ovaires polykystiques, stéatose hépatique et maladie du foie gras peuvent tous être renversés grâce à ce régime. Bien entendu, les avantages procurés par le protocole et le degré de réussite sont variables d’un individu à l’autre. « Pour que cela fonctionne, il faut évidemment une adhésion du patient à ce type d’alimentation ». Et Evelyne Bourdua-Roy insiste : si certains malades ont réussi à réaliser leur sevrage médicamenteux en moins de dix jours, cela peut s’avérer plus long pour d’autres. « Certains patients sont malades depuis des décennies, il faut donc laisser le temps au corps pour rebrousser chemin ».

De manière générale, cependant, le protocole est très efficace sur la perte de poids : « La plupart des patients maigrissent dès la première semaine et, sur six mois, on constate une perte moyenne de 5 à 50 kg. » Il l’est également sur le diabète de type 2 pour lequel 99 % des patients traités à la clinique ont opéré leur sevrage à l’insuline en quelques semaines. La stéatose hépatique est, elle, systématiquement renversée de même que l’hypertension artérielle. S’agissant de la goutte, « la majorité de nos patients ont une amélioration notable des douleurs, les tableaux de douleurs chroniques répondant particulièrement bien également à l’alimentation cétogène. » Et de préciser : « Nous ne sommes pas anti-médicaments ! Notre but est d’obtenir les glycémies les plus normales possibles et de supprimer les traitements qui peuvent l’être en changeant nos habitudes de vie ! »

Une solution "soutenable" encore trop négligée

Malgré ses nombreux avantages, l’alimentation cétogène demeure méconnue en Europe. Par rapport à d’autres protocoles utilisés dans le traitement du diabète comme le régime hypocalorique de Newcastle par exemple, elle présente pourtant l’avantage d’être « soutenable » sur le long terme.  « Avec l’alimentation cétogène, on mange à sa faim ! Les acides gras permettent d’atteindre la satiété et c’est, en quelque sorte, un traitement chronique de maladies chroniques qui présente l’avantage de ne pas ralentir le métabolisme ! » Avec le cétogène, pas de carences en nutriments : « Nous pouvons vivre normalement ! » Pourquoi donc ne pas en parler davantage ? Malgré les résistances tenaces, la révolution cétogène fait son chemin. En France, certains médecins commencent à s’intéresser à la question. Parmi eux, Jean-Charles Vauthier, médecin généraliste dans les Vosges et lui-même diabétique de type 1. Sensibilisé à la thématique par le professeur sud-africain Tim Noackes, spécialiste mondial de l’alimentation préconisant une alimentation low-carb, il a réussi à contenir le développement de sa maladie grâce à une alimentation non transformée et pauvre en glucides. Sans rentrer dans une dérive sectaire d’un « tout cétogène radical », il confie proposer aux patients qui semblent prêts, des préconisations alimentaires en ce sens.  « Pour un diabétique de type 2, mon premier discours est d’arrêter de parler de qualité de glucides avec des sucres lents qui seraient bénéfiques et des sucres rapides, au contraire, pathogènes pour diriger le patient vers une réduction pure et simple de la quantité de glucides, quels qu’ils soient ! »

Comme pour Evelyne Bourdua-Roy, l’alimentation faible en glucides excluant les aliments ultra-transformés constitue, pour le docteur Vauthier, un véritable mode de vie ! Autour de lui, de nombreux médecins arrivent à la même conclusion, en particulier sa consœur avec laquelle il partage son cabinet qui « a réussi à renverser des diabètes de type 2 avec ce type de recommandations alimentaires. » Petit à petit, l’oiseau fait son nid ! Mais Evelyne Bourdua-Roy s’étonne malgré tout que l’éventail de solutions existantes pour traiter les pathologies chroniques liées aux modes de vie ne soient pas systématiquement exposés aux patients. « Pour traiter ces maladies, il existe le protocole de Newcastle, le jeûne, la chirurgie bariatrique, les médicaments et l’alimentation cétogène : il serait salutaire que les professionnels de la santé informent les patients de l’ensemble des options envisageables au lieu de prescrire directement des médicaments ! » Car, quel que soit le traitement et son bien-fondé, il devra être accepté par le patient pour optimiser ses potentialités.

 

Pour en savoir plus

Inverser le surpoids et le diabète avec le protocole cétogène Reversa  (Ed. Thierry Soucar, 2021)