Emballages trompeurs, Nutri-Score, étiquettes peu lisibles : déjouer les pièges au supermarché

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Bien faire ses courses au supermarché
© Stocklib
Par Charlotte Vierne publié le
Journaliste indépendante
Modifié le

Au supermarché, les aliments ultra-transformés (AUT) représentent 70 % de l’offre alimentaire emballée et le Nutri-Score ne permet pas toujours de les repérer. Un problème d’autant plus préoccupant que la consommation régulière d’AUT, mêmes biologiques, augmente sensiblement le risque de maladies chroniques. Alors, dans la jungle des rayons de la grande distribution, comment choisir les bons produits pour préserver sa santé ?

Depuis 2017, les autorités de santé recommandent la mise en place d’une information nutritionnelle claire et visible afin d’aider les consommateurs à choisir les aliments présentant la meilleure qualité possible. En France, cette information a pris la forme du Nutri-Score - un logo à cinq couleurs associées à des lettres allant du A en vert foncé pour les produits les plus sains, au E en orange foncé pour les produits de piètre qualité. Et, selon une étude de Santé publique France en date de septembre 2020, 57 % des Français se fient à cette information. Pour autant, faut-il s’en réjouir ?

Le Nutri-Score, un outil imparfait

Sommes-nous dans le vrai lorsque, au moment de faire notre choix au supermarché, nous dégainons nos applis préférées, toutes basées - à l’instar de la très populaire Yuka - sur le fameux Nutri-Score ? Eh bien non si l’on en croît Le Bon Choix au supermarché, best-seller des éditions Thierry Souccar qui vient de faire paraître sa seconde édition actualisée, supervisée par Angélique Houlbert, diététicienne-nutritionniste et chroniqueuse au Magazine de la santé sur France 5.

Selon ce guide très didactique, passant au crible pas moins de 1000 produits et visant à nous apprendre à repérer les aliments sains en toute autonomie, le Nutri-Score, en modélisant la qualité nutritionnelle des aliments, nous offre en réalité une vision réductrice de la qualité alimentaire globale des produits considérés.
Son principal défaut vient en particulier du fait qu’il ne tient aucun compte du degré de transformation des aliments évalués ! Or, s’il est tout à fait possible de couvrir nos besoins en consommant des produits ultra-transformés et enrichis en fibres, en minéraux et en vitamines, ces AUT - passant haut la main sous le radar de nos applications-, n’en restent pas moins « associés à de nombreuses dérégulations métaboliques et maladies chroniques. » Le surpoids, l’obésité, le diabète, les maladies cardiovasculaires et le cancer sont fréquemment évoqués. Plus que la qualité nutritionnelle d’un produit, « ce qui compte avant tout, c’est la qualité de la matrice alimentaire dans laquelle sont imbriqués les nutriments et donc, in fine le degré de transformation que l’industriel a fait subir à l’aliment », révèle ce précieux guide réalisé en collaboration avec le site LaNutrition.fr et la start-up Siga, classant, grâce à un algorithme particulièrement innovant, les aliments selon leur degré de transformation.

Aliments ultra-transformés, attention danger !

C’est donc dans la transformation que réside le danger et ce dernier n’est pas mince ! Car, dans les rayonnages de nos supermarchés, les aliments ultra-transformés représentent 95 % des plats préparés et des yaourts aromatisés, 94 % des charcuteries et des viandes en salaison, 87 % des plats végétariens et 80 % des barres énergétiques et des céréales du petit déjeuner. Au bout du compte, si vous choisissez un produit au hasard à mettre dans votre panier, vous avez 7 chances sur 10 de tomber sur un AUT !

Nés après la Seconde Guerre mondiale à la faveur de l’industrialisation du secteur alimentaire pour les besoins de la consommation de masse, les AUT se sont définitivement imposés dans les années 1980, alors que l’arrivée des femmes sur le marché du travail rendait nécessaire la fourniture aux familles des repas prêts à consommer. Modifiés par procédés industriels, ces aliments enrichis en sel ou en sucre, en protéines ou en matière grasse, subissent également une altération de leur couleur, de leur consistance, de leur saveur et de leur odeur dans le but de masquer leurs défauts, d’augmenter leur appétence et leur durée de conservation et de diminuer leur coût de production. Déstructurés, les AUT sont donc ensuite reconstitués augmentés d’« agents cosmétiques et économiques » (ACE) tels que les arômes, l’amidon modifié, le gluten, la fibre de pois, le carboxyméthylcellulose (E466), le monoglycéride d’acides gras, les protéines de lait, d’extrait de malt d’orge, d’œufs en poudre, d’extrait de levure, de xylitol, les protéines de soja…

Aliments ultra-transformés, comment les repérer ?

Mais alors, et devant la prolifération des AUT dans les rayonnages de la grande distribution -et ceci, même en Bio -, comment choisir de vrais aliments, sains et peu transformés ? « En lisant les étiquettes et surtout en apprenant à les décrypter ! » nous indique Le Bon Choix au supermarché.

  • Une fois le nez dans la liste des ingrédients du produit convoité, la première étape consiste indubitablement à repérer les additifs ! Il en existe en Europe 338 autorisés, ceci bien qu’ils présentent, pour une partie d’entre eux (en particulier les phosphates, les nitrates et nitrites, les carraghénanes, le caramel, la BHA et BHT, la tartrazines, la carboxyméthylcellulose, certains édulcorants intenses et des émulsifiants), des risques potentiels pour la santé. Heureusement, ils sont « facilement identifiables dans la liste des ingrédients de deux façons (…) : soit grâce à une codification utilisant la lettre E suivie d’un numéro, soit par leur fonction », cette dernière étant en général indiquée comme ceci : « épaississant » ; « stabilisant » ; « colorant » ou encore « poudre à lever ».
  • Le second réflexe à adopter est de privilégier les aliments présentant un faible nombre d’ingrédients, « idéalement moins de six » !
  • Troisième étape : privilégier les produits ne contenant pas ou peu d’ACE (voir liste détaillée plus haut). Enfin, autres indices à ne pas négliger : « Riche en fibres », « pauvre en sucre » ou encore « source de calcium » sont autant d’allégations qui doivent vous mettre la puce à l’oreille et vous faire prendre la poudre d’escampette. En effet, « les AUT émanent souvent de géants de l’industrie agroalimentaire donnant à leurs aliments une image de produits sains en présentant, sur l’emballage et dans la publicité, des photos d’aliments naturels et en ajoutant des vitamines synthétiques, des minéraux ou des fibres », prévient la nutritionniste dans son guide.
  • Enfin, des noms obscurs tels que « citrate de sodium » ou « maltodextrine » doivent vous alerter !

Produits bio et ultra-transformés

Si le Bio est évidemment recommandé pour les fruits et légumes, les céréales complètes, les produits cosmétiques... « il ne devrait pas être votre premier critère de choix d’un produit industriel », prévient Le Bon Choix au supermarché. La raison ? Les AUT sont présents dans la même proportion dans les produits industriels traditionnels que dans les aliments diététiques, végétariens et bio ! Pour l'experte, « ce label ne garantit en aucun cas, la qualité d’un produit industriel, et « le fait que le produit soit issu de l’agriculture biologique ne compensera pas le caractère artificiel de l’aliment ». Il vous faudra donc adopter la même vigilance que pour les produits industriels traditionnels au moment de choisir vos plats préparés biologiques.

Pour en savoir plus 

Le Bon Choix au supermarché, éditions Thierry Souccar, 2021.