Les cancers sont-ils liés à notre alimentation ?

Par Mathieu Doutreligne publié le
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La composition de notre assiette a un impact direct sur notre santé. C'est une évidence pour des maladies comme l'obésité, c'est également une vérité pour le cancer. Et si on vous avait caché la vérité ?

Du plus petit blog au plus grand site d’information, tout le monde parle, ou a parlé, du lien qu’il existe entre l’alimentation et le cancer. Des statistiques sont dévoilées, des aliments sont pointés du doigt. Parfois, un même produit est classé dans deux catégories différentes. Prenons l’exemple du lait. Régulièrement accusé de développer le cancer de la prostate comme dans cet article de l’Oxford Journal, il est également analysé comme neutre par une autre étude, publiée dans l’American Journal of Epidemiology, qui portait sur plus de 80 000 personnes pendant 10 ans. Ce type de contradiction scientifique laisse perplexe.

Y a-t-il réellement des aliments qui augmentent ou diminuent les risques de développer un cancer ? En s’interrogeant sur ce véritable problème de révélations qui s'opposent, Jonathan Schoenfeld et John Ioannidis, deux chercheurs américains ont eu l’ambition de passer au crible des centaines d’études scientifiques parlant du cancer et des aliments à risque, dans le but de découvrir pourquoi les scientifiques publient parfois des révélations et leurs contraires. Ils ont décidé de sélectionner 50 aliments au hasard, pour ensuite y associer toutes les recherches récentes. Pour chaque étude, ils ont analysé les données chiffrées et les conclusions faites par les scientifiques.

Résultat, 80% des études sont à mettre entre guillemets, car la base statistique liée aux effets constatés est trop faible pour être significative. Le lien entre aliment et cancer est surévalué et les résultats non-significatifs souvent oubliés. De plus, l’importance des conséquences d’un aliment est souvent accentué dans les résumés d’études. Par ailleurs, ces résumés sont fréquemment les seules lignes que lisent leurs collègues chercheurs. Certains aliments sont plus controversés que d’autres, comme les œufs, le vin, le café, le lait ou le maïs.

Tout cela ne signifie pas que toutes les études ne sont ni bonnes ni mauvaises et qu’il n’y a aucun risque à surconsommer certains aliments, mais il faut être vigilant avec des titres un peu trop criants et analyser à deux fois les résultats d’études avant de lancer des conclusions qui, au final, amènent de fausses pistes pour le corps scientifique et trompent le grand public.

Il faut comprendre que pour certains médias, de telles accusations sont bénéfiques car elles font vendre. Au lieu de chercher à comprendre l’explication de ces contradictions, on débat pour savoir qui a plus raison que l’autre. Le fait est que certains scientifiques n’ayant pas obtenu le résultat souhaité, ils oublient volontairement certaines statistiques pour ne conserver que les plus « intéressantes », avec l’arrière-pensée d’être sélectionné et être publié dans les revues spécialisés qui, dit en passant, sont perpétuellement à la recherche de scoop et de nouveauté. John Ioannidis conclut : "plus importants sont les intérêts financiers et autres ainsi que les préjugés dans un domaine scientifique, moins il est probable que les découvertes y seront vraies".

En parallèle à ces histoires de maladie, qui restent dans certaines situations encore à argumenter, le premier cas d’indemnisation pour infection professionnelle a été reconnu. Dominique Marchal est agriculteur dans la région de Nancy. Pendant plus de vingt ans il a arrosé ses champs avec des produits dont il ne connaissait pas la dangerosité. Ce dernier a développé une pathologie : un syndrome myéloprolifératif (certaine forme de cancer). En mars dernier, et après plusieurs années de procédure, Dominique Marchal a vu son infection reconnue maladie professionnelle, une première en France. Le parquet a reconnu que le syndrome développé était lié à son exposition directe, or le benzène (en cause dans l’histoire) n’était pas indiqué sur l’étiquette. Une bonne chose pour que les risques liés aux pesticides soient pris au sérieux, car si le lien entre aliment et cancer n’est pas encore clair, une surconsommation indirecte de pesticides est reconnue pour favoriser le développement de pathologie cancéreuse.

Le bio prend de l'ampleur !