Pauline Imbault vit sans produire de déchets : une vie heureuse, simple, écologique

Pauline Imbault présente ses produits achetés en vrac
Vivre sans déchets, une vie heureuse, simple, écologique
Par Mathieu Doutreligne publié le
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Interview de Pauline Imbault par Mathieu Doutreligne pour Bio à la Une.

À 25 ans, Pauline Imbault a fait le choix de vivre sans produire de déchets. Acheter en vrac, se démaquiller à l’huile d’olive, prendre son temps ou redéfinir ses priorités. Pauline nous explique son nouveau quotidien qui la rend heureuse.

Bio à la Une : Comment se sont déroulés les premiers mois de cette transition vers une vie zéro déchet ? Est-ce difficile de vivre avec moins ?

Pauline Imbault : Ma transition a commencé en octobre 2013, alors que je vivais toujours chez mes parents. J’ai eu la chance d’emménager avec mon compagnon très peu de temps après avoir découvert ce mode de vie, et ainsi partir de zéro, prendre de nouvelles et bonnes habitudes.

Le mode de vie zéro déchet s’appuie sur 5 piliers : refuser tout ce dont on n'a pas besoin, réduire ce dont on a besoin, réutiliser, recycler et composter. Les premiers mois consistaient à faire un grand tri, principalement de mes armoires, prêtes à exploser. C’est la partie qui m'a pris le plus de temps. Ce que je possède désormais dans ma garde-robe représente un dixième de ce que j’avais avant. C’est encore trop, car il existe des vêtements que je ne porte pas et donc qui n’ont pas d’utilité.

Je ne me vois pas revenir en arrière. Tout ce que j’ai mis en place fait maintenant partie de mon quotidien. Le plus dur est de s’adapter à une nouvelle routine.

Je remarque qu’avoir moins, engendre une créativité nouvelle. Dans mon enfance, j’ai toujours connu les placards remplis, pour être prêt à survivre à un siège, et ma mère s’étonnait de ne jamais avoir d’idée pour faire à manger. Parfois, je n’ai que du riz comme base. Les choix sont plus rapides à prendre en regardant les placards. On a moins de diversité, mais plus de créativité.

En limitant les choix, les idées viennent plus rapidement. Si on te donne une feuille et un crayon en te demandant de dessiner, tu hésites. Si on te dit de dessiner un oiseau, ça aide à partir dans une direction, sans brider l'inventivité.

Avec ma vie zéro déchet, je suis forcée de faire des choix qui m’aident et développent ma créativité. Je teste des nouvelles recettes toutes les semaines. Ce n’est pas restrictif.

Bio à la Une : Qu’est-ce qui a le plus changé dans ta vie ?

PI : L’argent. Je fais énormément d’économie. Je gagne 750€ par mois en travaillant à mi-temps et je vis très bien à deux. Je suis sereine pour l’avenir, car je n’ai pas besoin de beaucoup pour vivre, ni besoin de plus pour être heureuse.

L’économie d’argent n’était pas ma motivation, mais ça peut l’être pour d’autres qui ont peu de moyens. Sans avoir fait de calculs précis, comme Béa Johnson, je dois avoir fait 40% d’économie sur ma vie quotidienne. C’est énorme.

J’ai une qualité de vie supérieure tout en ayant moins. Je suis consciente d’avoir adopté un mode de vie beaucoup plus durable et au quotidien j’expérimente des découvertes qui m’émerveille. Coller des étiquettes sur une bouteille en verre avec du lait, faire du gel pour les cheveux soi-même avec simplement du citron et quelques minutes de préparation, retirer mon mascara avec de l’huile d’olive. Je trouve ça tellement plus cool qu’acheter un produit neuf vendu dans un bel emballage.

Le plaisir de créer est réel. Je n’imagine pas revenir en arrière, car j’aime mes nouvelles habitudes. Désormais je passe beaucoup plus de temps à cuisiner. J’ai appris à retravailler des basiques, comme la pâte à tarte. Cela me demande plus de temps, mais me permet de connaître la composition de tous les plats que je mange, car ils sont fait maison.

À force de manger sainement, mon corps rejette la mal bouffe. c’est le gros aspect négatif dans ma vie sociale. Tous mes amis ne partagent pas forcément mes convictions et mangent différemment. Il y a quelques semaines, j’ai été chez McDo et ça m’a rendu malade 48 heures.

Bio à la Une : Est-ce difficile de prendre de nouvelles habitudes ? Comment t’es-tu organisée pour que les courses soient simples ?

PI : Les habitudes viennent assez vite. Prévoir des petits sachets pour les légumes par exemple. La nouvelle organisation des courses n’a pas été trop longue et périlleuse. Par contre, je me suis fait avoir plusieurs fois lors des achats impromptus. Maintenant, j’ai toujours dans mon sac ma serviette et mes petits accessoires de transport. Je me balade tout le temps avec ma petite gourde en inox, des petites pochettes et une serviette, ce qui me permet d’aller faire les courses à l’improviste sans problème.

Les débuts étaient difficiles avec les artisans, car j’avais l’impression de les gêner avec mes demandes spécifiques. Les petits commerçants ont l’habitude d’emballer leurs produits dans tout un tas de papier. C’est un automatisme pour eux, et je n’avais pas assez confiance en moi pour leur demander de faire différemment, comme demander au boulanger de poser le pain sur ma serviette en papier. C’est la partie la plus dur du zéro déchet.


Voici les emballages dont Pauline à besoin pour ses courses

Maintenant, les artisans que je côtoie régulièrement me connaissent et cette proximité rend les choses plus faciles. J’ai eu le temps de leur expliquer ma démarche.

D’un autre côté, certains réagissent mal. Les serveurs des restaurants par exemple. Ils ne comprennent pas quand on leur demande de reprendre les serviettes en papier, car nous avons apporté les nôtres en tissus. On leur explique notre raisonnement, mais ils se sentent offensés dans leur travail du dressage de la table. On a parfois subi des réactions violentes.

Bio à la Une : Quelles découvertes enrichissantes as-tu fait au cours de ton expérience ? Que gagne-t-on à vivre sans produire de déchet ?

PI : Ma plus grande découverte est l’ouverture à de nouvelles perspectives. J’ai gagné beaucoup de temps.

Quand je range ma chambre, il n’y a jamais plus de deux habits qui traînent. D’un point de vue pratique, quand il y a moins, il y a moins à ranger, à nettoyer, à trier. C’est un gros point positif en plus d’être gain de temps non-négligeable au niveau nettoyage, entretien et rangement. Les gens aiment avoir de l’espace, mais trop d’espace aide à accumuler des biens inutiles.

Vivre sans déchets simplifie la vie. Si on décide de passer au vrac, le choix alimentaire est moindre, il va falloir apprendre à cuisiner de nouvelles recettes. Oui, certaines choses vont prendre un peu de temps à mettre en place, mais au final, lorsque ces habitudes seront incorporées à votre quotidien, vous gagnerez du temps.

Je prends l’exemple de ma mère, lorsqu’elle fait ses courses en grandes surfaces, elle passe environ une heure dans le magasin. De mon côté, avec uniquement le rayon vrac à disposition, je passe un quart d’heure dans mon magasin bio et c’est bouclé. Lors des courses, je sais exactement ce que je vais acheter.

J’achète, et c’est tout. Je ne suis pas à tourner dans les rayons pour me faire tenter par les jolis emballages qui sont faits pour donner envie. En se laissant tenté, on se retrouve avec des produits qu’on peut rarement cuisiner et ça amène au gaspillage. Avec le vrac, la tentation disparaît.


Achat de gâteaux en vrac sur un marché

Bio à la Une : Est-ce un défi au quotidien ou un plaisir de vivre zéro déchet ?

PI : Je prends du plaisir à faire mes courses. Plaisir que je n’avais pas avant. Et ce n’est pas tout.

Un vrai lien s’est créé, auquel je n’aurais jamais pensé, avec les petits commerçants que je fréquente régulièrement. Le fait d’avoir un contact humain transforme les courses en un moment agréable. Lorsque je vais chez le fromager, je viens avec mes pots, chez la boulangère, avec mes torchons.

Dans les magasins bio, il manque encore quelque chose. L’endroit est plus chaleureux que les grandes surfaces, mais on a toujours un contact trop rapide et froid avec la caissière. Avec mon rythme de vie sans déchet, les artisans se souviennent bien de moi.

Ma logique a également changé. Il y a quelque temps, je cherchais désespérément un nouveau pantalon que je ne trouvais pas. Au final, j’ai repris dans mon armoire un vieux jeans pattes d’éléphant. Je l’ai fait reprendre par le retoucheur pour 15€, et j'ai passé un bon moment, car la personne est très sympa. C’est typiquement le genre de logique que je n’avais pas avant. L’idée est de se satisfaire de ce qu’on a, pas de vouloir ce qu’on ne possède pas.

Toujours au niveau des relations, j’ai davantage l’impression de faire partie d’une communauté. Sur un groupe Facebook dédié, je parle de mes difficultés et j’échange des astuces avec d’autres personnes qui vivent sans déchets. C’est agréable de constater qu’on n’est pas seul.

Bio à la Une : Te sens-tu plus libre de tes actions, moins dépendante de la société de consommation ?

PI : J’ai une manière beaucoup plus consciente de consommer. Avant j’achetais beaucoup de choses en pensant que c’était "normal", pas spécialement par besoin ou utilité.

Beaucoup de personnes possèdent des brosses adhésives, que j’appelle des roll roll, pour enlever les poils d’animaux ou les cheveux sur leurs habits. Lorsque le roll roll est fini, il faut en acheter un nouveau. Moi j’utilise une brosse non-jetable que j’ai retrouvé chez mes parents. Eux, sont passés au roll roll parce que tout le monde l'a fait. Consommer sans cesse est devenu la nouvelle normalité. C’est incohérent, car dans mon exemple la brosse classique s’utilise à l’infini.

Il existe tout un tas d’objets qu’on possède suite à des achats inconscients et qu’il est possible de ne plus acheter après avoir eu une réflexion sur nos actions et leurs portées.

Bio à la Une : Quels conseils donnerais-tu à nos lecteurs pour les motiver à vivre avec moins de déchets ?

PI : Les motivations pour commencer une vie sans déchets peuvent être multiples. Protéger l’environnement, mais aussi économiser de l’argent, du temps ou simplifier son rythme de vie. La simplification volontaire était d’ailleurs la motivation première de Béa Johnson, expliquée dans son livre Zéro déchet paru aux éditions Les arènes qui s’avère être un véritable mode d’emploi. C’est ma nouvelle Bible.

Pour les intéressés, je conseille également à la lecture le livre No Impact Man de Colin Beavan. Expérience sur un an à New York, dans laquelle un journaliste raconte ses doutes, ses problèmes, ses difficultés à vivre en ayant un impact nul sur la planète. C’est à la fois une mise en situation et une réflexion sur la démarche.

Bio à la Une : Quel regard portes-tu sur autrui, tes amis, les gens que tu rencontres et qui n’ont pas tes habitudes et donc qui produisent beaucoup de détritus ?

PI : Je ne juge pas les autres. Chacun ses habitudes. Avant de démarrer ma nouvelle vie, j’ai toujours été sensible à l’environnement. Je me posais des questions et le tri sélectif était le seul geste que j’effectuais. C'était un début, mais j’étais critiquable.

Maintenant je vis zéro déchet. C’est mieux pour moi, car j’y vois plein de points positifs. Que les autres autour de moi prennent conscience de l’importance des déchets et de leur impact reste l’une de mes motivations à continuer. Même si tout le monde ne comprend pas tout de suite, en parler permet de sensibiliser en prenant du recul sur sa propre consommation.

Bio à la Une : Tu as récemment soufflé ta première bougie pour une vie sans déchet. Quel bilan fais-tu de cette première année ?

PI : Un an après avoir commencé ma transition, je constate que ma vie est plus simple. L’expérience est positive et me donne une ligne directrice, un critère de choix relativement universel. Ça améliore également ma santé. Au revoir les plastiques et additifs alimentaires.

J’ai toutefois quelques regrets, ou points d’amélioration. Un an après avoir commencé, je n’ai toujours pas trouvé de chocolat ou de farine sans emballage et je produis encore quelques déchets que je n’arrive pas à réduire. Ce sont des produits de base que je ne désire pas arrêter de consommer, surtout car j’ai un faible pour les gâteaux au chocolat.

Mon gros challenge à venir concerne les emballages recyclables. Je dois également les réduire. Dans ma cuisine, il me reste aussi quelques éléments en plastique à remplacer.