Yuka, dans la tourmente, lance une cagnotte

nitrites charcuterie
nitrites charcuterie
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Par Elodie-Elsy Moreau publié le
Rédactrice en chef
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Afin de financer les nombreux frais engendrés par les multiples procédures judiciaires opposant Yuka aux industriels de la charcuterie, les fondateurs de l'application lancent une cagnotte.

Depuis le départ, l’appli Yuka n’a qu’une vocation : aider les consommateurs à faire leurs courses en leur indiquant via un système de notation si un produit est bon ou mauvais pour la santé. Et le succès fut immédiat ! Dès son lancement en 2017, les consommateurs ont rapidement pris l’habitude de sortir leur Smartphone pour scanner les produits en rayon. Si à ses débuts, ce système de notation a été remis en cause par certains dénonçant le manque de fiabilité de certaines sources, d’autres marques se sont mises au diapason. Face à l’engouement pour cette application et conscient que les clients se détournent des références affichant de mauvaises notes,  Intermarché a, en 2019, décidé de modifier 900 recettes, en faisant notamment la chasse aux additifs.

Et des additifs, il y en a dans la charcuterie. Et plus précisément des nitrites utilisés comme conservateurs, servant à éviter la prolifération des micro-organismes dans les produits. Résultat : leur note sur l’application est mauvaise, ce qui n’a pas tardé à attiser la colère des industriels du secteur.

Affaire des nitrites : 3 condamnations pour Yuka

En mai 2021, Yuka a été condamné une première fois par le Tribunal de commerce de Paris suite à l'action intentée par la Fédération des industriels charcutiers traiteurs (FICT). Le jugement demandait aussi à Yuka de payer une amende de 20.000 euros pour dommages et intérêts, et à verser 10.000 euros au plaignant pour ses frais d'avocats. Autre sanction requise : l’interdiction d’utiliser certains termes dénigrant les nitrites sur l'application. Yuka a fait appel. Le 13 septembre dernier, nouvelle victoire pour le camp des industriels. Le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a donné raison au groupe ABC, spécialisé dans le jambon cuit, qui attaquait les fondateurs de l’appli en raison des termes choisis pour qualifier la charcuterie et le classement de ses additifs dans la catégorie « cancérigènes » et « génotoxiques ». Si ABC réclamait 564.000 euros au titre du préjudice subi, Yuka a été condamné à verser une amende de 25.000 euros. Enfin, le 24 septembre 2021, même sentence prononcée contre Yuka par le Tribunal de commerce de Brive-la-Gaillarde. La sentence :  20 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral et réputationnel à la société le Mont de la Coste. Face à ce que Yuka qualifie "d’acharnement du lobby de la charcuterie", les fondateurs ont décidé, une nouvelle fois, de faire appel de ce jugement et lancent une cagnotte de soutien "pour permettre à ceux qui le souhaitent" de les aider.

"Sur l’ensemble des trois procédures qui nous ont été intentées, Yuka a été condamnée à verser 95 000€, et a décidé de faire appel. 'Ce sont des procédures baillons, qui visent à nous faire mettre la clé sous la porte, mais notre volonté d’informer les consommateurs sur les dangers inhérents aux nitrites et de pousser les industriels à s’améliorer reste inchangée', affirme Julie Chapon, cofondatrice de Yuka. Ces procédures ont clairement pour objectif de mettre en difficulté Yuka, dont le modèle économique reste fragile. L’entreprise était tout juste à l’équilibre financier en 2020 avec un bénéfice net de moins de 20 000€", peut-on lire sur leur communiqué de presse. 

La cagnotte de Yuka est disponible sur Leetchi

Les nitrites, dangereux pour la santé ?

L'application co-fondée par Julie Chapon n'est pas la seule à incriminer les nitrites. C'est aussi le cas des 8 applications également co-assignées par Yuka, dont ScanUp. "Nous avons compris leur démarche car les nitrites posent un véritable problème et cela fait consensus au niveau scientifique. Toutefois, nous aurions préféré que cela se passe différemment. Mais c'était leur statégie de défense :  montrer qu'ils ne sont pas les seuls à dénigrer ces substances", déclare Caroline Péchery, co-fondatrice de ScanUp. De rajouter : "sur notre application, les nitrites sont aussi désignés en rouge."

Et pour cause, d'après le Centre international de recherche sur le cancer, les nitrites sont "probablement cancérigènes" et peuvent engendrer certaines transformations à l'intérieur du tube digestif.  

"Yuka regrette que les arguments des lobbies industriels aient primés sur l’information et la défense des consommateurs. Cela pose la question de la primauté des intérêts financiers des grands industriels sur la santé des consommateurs", alertait la SAS, le 13 septembre dernier dans un communiqué de presse.

Afin de pousser les "industriels à être plus responsables", Yuka a également lancé en novembre 2019, en partenariat avec Foodwatch et la Ligue contre le Cancer, une pétition demandant l’interdiction des nitrites ajoutés, qui comptabilisent aujourd'hui plus de 350 000 signatures. Car comme le rappellent les fondateurs de l'appli "l’OMS a classé la charcuterie comme cancérigène certain (catégorie 1) et les nitrites/nitrates ingérés comme cancérigènes probables (catégorie 2A)".

 

L’abandon par Buzyn de la « taxe nitrites »

En octobre 2019, Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, avait donné un avis défavorable à un amendement du député du MoDem Richard Ramos. Ce dernier proposait d’instaurer une taxe spécifique dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 sur les viandes transformées contenant des additifs types nitrites, nitrates et sels nitrités. Alors qu’il avait été une première fois adopté en commission des Affaires sociales, le texte avait finalement été rejeté.  

Source(s):
  • Communiqué de presse Yuka
  • Interview de Caroline Péchery, co-fondatrice de ScanUp