Sommeil, poids, douleurs, grossesse : les super pouvoirs de la mélatonine

mélatonine
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Par Magali Walkowicz publié le
Diététicienne-nutritionniste, journaliste et auteure
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Notre sommeil est régulé par un grand nombre d’hormones. Parmi elles, il y en a une, connue pour favoriser l’endormissement, nommée mélatonine, découverte par un dermatologue américain en 1958. Mais la mélatonine n’a pas cette seule et unique fonction et possède d’autres super pouvoirs, souvent ignorés, qui lui permettent de jouer un rôle important dans notre santé générale. Explications.

La mélatonine est une hormone sécrétée par la glande pinéale, une toute petite glande située à la base du cerveau sur l’arrière du mésencéphale. Le mésencéphale relie le tronc cérébral au cerveau. La mélatonine est bien connue pour son action sur la régulation du rythme circadien qui gouverne des processus biologiques tels que le cycle veille-sommeil.
Sa sécrétion se déroule ainsi : le jour, la glande pinéale sécrète du tryptophane précurseur de la sérotonine. Cette dernière une fois synthétisée est stockée. Dès que la lumière du jour faiblit, elle se transforme en mélatonine. Une cascade de réactions a alors lieu dans l’organisme, qui reçoit le signal que le temps du sommeil est là. La fatigue arrive. Lorsqu’il n’y a pas assez de mélatonine, s’endormir relève du défi. C’est la raison pour laquelle les personnes souffrant de troubles d’endormissement ou des professionnels soumis à des décalages horaires fréquents tels les pilotes de ligne long courrier, se supplémentent en mélatonine. Une étude a même démontré que cette hormone n’aurait pas seulement un rôle sur le temps d’endormissement mais aurait aussi un effet bénéfique sur le sommeil, lorsque le taux de mélatonine est élevé de manière constante au cours de la nuit1. Mais manquer de mélatonine, ne fait pas qu’empêcher le sommeil…


Taux de mélatonine en hiver

L’hiver, en raison du peu d’heures de lumière que comprennent les jours, le taux de mélatonine reste élevé même en journée. Fatigue, manque d’entrain sont ressentis. Cela est aggravé par la baisse du pool de vitamine D dans l’organisme au cours de cette période, vitamine qui joue un rôle clé dans l’humeur, car l’absence de soleil empêche sa synthèse. Ces deux phénomènes suffisent à définir la « dépression hivernale »

 

Manquer de mélatonine c’est donc manquer de sommeil et… cela ferait grossir. Le lien entre prise de poids et manque de sommeil est désormais établi par de nombreuses études1,2. La cause est essentiellement hormonale. 4 hormones sont en jeu. D’après la science3, une privation de sommeil de quelques jours seulement, entraînerait :

  • une augmentation du taux d’insuline, l’hormone qui régule la glycémie et qui favorise la transformation des glucides ingérées en graisses que le corps garde en réserve et également le stockage des graisses ingérées ;
  • une augmentation du cortisol, l’hormone du stress qui a tendance à élever la glycémie et favoriser le développement d’une résistance à l’insuline. Les cellules possèdent des récepteurs à l’insuline qui permettent d’y faire pénétrer le glucose. En cas de développement d’une résistance, les taux d’insuline augmentent considérablement en réponse à cette non-reconnaissance.
  • une augmentation de la ghréline, l’hormone de la faim. Cela pousse à manger plus et surtout des aliments doudou, gras et sucrés ;
  • une diminution du taux de leptine, l’hormone de la satiété, ce qui pousse également à manger plus4.

Obésité et mélatonine

Selon une étude récente menée sur 30 patients obèses, ingérer 10 mg de mélatonine une heure avant le coucher en complément d’un régime hypocalorique fait des miracles par rapport au régime seul. Non seulement cela facilite la perte de poids, mais évite aussi l’apparition de maladies liées à l’obésité (diabète, pathologies cardiovasculaires, cancers…). Comment ? A haute dose, la mélatonine régule la sécrétion par les graisses corporelles de molécules appelées « adipokines » qui perturbent le métabolisme des graisses et des sucres, génèrent une inflammation chronique et réduit le stress oxydatif excédentaire qu’elles induisent.5 

Prendre de la mélatonine, inversement, ferait maigrir

Il existe trois types de cellules graisseuses :

  • les blanches,
  • les beiges
  • et les brunes.

Les beiges et les brunes contiennent beaucoup de mitochondries (les centrales énergétiques des cellules) et brûlent donc plus d'énergie. Les blanches, en revanche, stockent la graisse. Malheureusement, notre organisme en contient plus car nous avons hérité des gènes de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, programmés pour faire du stock en prévision de périodes de famine.
Une étude6 montre cependant que la prise de mélatonine favoriserait la part des cellules brunes et beiges par différents mécanismes : en limitant la formation de cellules graisseuses, en inhibant une partie de la différenciation des cellules souches en adipocytes, en régulant l’inflammation générée par l’excès de poids grâce à ses propriétés anti-inflammatoires, en augmentant la quantité de leptine (hormone de la satiété) dans le sang et en engendrant le brunissement des cellules adipeuses blanches. Une étude espagnole a également démontré ce mécanisme7.

Elle augmenterait aussi le nombre de calories brûlées par l’organisme car, par son action sur des facteurs génétiques et hormonaux, elle stimulerait la croissance, la masse et l'activité directe du tissu adipeux brun. 

Cerise sur le gâteau, elle participerait à la santé du microbiote intestinal bénéfique pour la gestion du poids et des maladies métaboliques.

Le maintien d’un sommeil de bonne qualité, par la prise de mélatonine est donc une aide précieuse pour qui souhaite maigrir. Cela permettrait également une antalgie non négligeable dans de multiples situations douloureuses.

Calmer les douleurs avec la mélatonine

La mélatonine semble être un bon complément aux traitements des pathologies douloureuses.8 Il y a de nombreux mécanismes physiologiques complexes à l’origine du pouvoir antalgique de la mélatonine. Globalement, ce qu’il faut retenir des études menées sur des modèles animaux c’est que la mélatonine a un effet analgésique important lors de douleurs neuropathiques, une action anti-inflammatoire. De ce fait, elle entrave le développement de la sensibilisation centrale engendrée par des lésions neurologiques périphériques, augmente les seuils de la douleur et réduit les manifestations d’hyperalgésie (douleurs amplifiées). Les études menées chez l’humain montrent qu’elle diminuerait la fréquence, l’intensité et la durée des crises de migraine, rendrait plus efficace les traitements standards de la lombalgie et fibromyalgie, et réduirait les douleurs abdominales dans les troubles fonctionnels intestinaux.

Qui souffre de douleurs sait que mal dormir, amplifie le ressenti. Ces résultats concernant la baisse de la douleur grâce à la prise de mélatonine sont donc peu surprenants. Ce qui l’est davantage à première vue en revanche, ce sont ceux obtenus sur la prééclampsie.

La mélatonine au secours des futures mamans souffrant de prééclampsie

La prééclampsie est une maladie qui affecte 3 à 15 % des femmes enceintes. Elle est l’une des principales causes de mortalité maternelle et périnatale. Ce syndrome diagnostiqué pendant la seconde moitié de la grossesse, est caractérisé par une hypertension artérielle et un taux élevé de protéines dans les urines. La seule façon de la traiter est de procéder à l’accouchement.

La science a révélé que la mélatonine pourrait venir à la rescousse des cellules du placenta. La raison est simple.

  • Premièrement, la mélatonine est produite également par le placenta et la production de mélatonine est d’ailleurs augmentée en cours de grossesse. Cependant, en cas de prééclampsie, la production de mélatonine par le placenta est entravée.
  • Deuxièmement, dans une situation de prééclampsie, il y a un apport sanguin intermittent vers le placenta et donc un apport d’oxygène intermittent vers le placenta. Ce phénomène porte le nom d’hypoxie-réoxygénation. Cet apport intermittent d’oxygène affecte les cellules du placenta qui vont alors produire une grande quantité d’espèces réactives de l’oxygène. Ce stress oxydatif conduit à la mort des cellules du placenta qui ne sera plus en mesure de fonctionner adéquatement. La vie du fœtus et celle de la mère sont donc en péril.

Ce qu’il faut comprendre c’est que comme les cellules placentaires en situation de prééclampsie produisent moins de mélatonine, cela suggère que cet antioxydant est moins présent pour neutraliser le surplus d’espèces réactives de l’oxygène. Prendre de la mélatonine protègerait donc les cellules placentaires contre les effets néfastes d’une hypoxie-réoxygénation en neutralisant les espèces réactives de l’oxygène et donc en diminuant le stress oxydatif.9 Des essais cliniques prometteurs sont en cours pour évaluer les effets de l’utilisation de la mélatonine par les femmes enceintes atteintes de cette maladie.

Mélatonine : quels aliments pour la stimuler ?

Vous pouvez aider votre organisme à fabriquer de la mélatonine en puisant dans votre alimentation les éléments adéquats. La mélatonine est synthétisée à partir de la sérotonine, qui vient du tryptophane. Pour le bon déroulement de toutes ces réactions, l’organisme a besoin de tryptophane (fromage, lait, soja, persil, morue et salami en sont bien pourvus), de vitamines B3 (foie de bœuf, poulet, dinde, thon, flétan, saumon, levure de bière cacahuètes et graines de tournesol pour les meilleures sources), B6 (foie, hareng, saumon, noix et germe de blé), B9 (foie, œuf, menthe, épinards, algues et lentille), de magnésium (sarrasin, chocolat, noix du Brésil) et de zinc (huitres, foie, bœuf).

Une portion de mélatonine alimentaire au dîner ?

Les noix de Grenoble, les cacahuètes, les grains d’orge, les flocons d’avoine, les tomates, les poivrons, les champignons, les asperges, le brocoli, le maïs, le riz, le lait, les canneberges, les fraises, et les cerises, le raisin Nebbiolo, la banane peu mûre, les graines de moutarde, le gingembre (racine), la menthe fraîche, le thé noir en contiennent.


Préserver le tryptophane

Le tryptophane est fragile. Evitez de trop cuire les aliments le contenant car une cuisson trop prolongée ou une chaleur trop forte le détruisent.
Consommez ces aliments entre 6 et 8 heures avant le coucher pour que leur digestion soit complète, que le tryptophane soit stocké dans le foie puis libéré progressivement dans la circulation sanguine.

 

Se supplémenter en mélatonine ?

Les posologies et modalités d’administration répertoriées sont si variées qu’il est difficile de faire surgir un dosage type. Aux États-Unis, la mélatonine est déjà depuis longtemps considérée comme un remède miracle et est disponible à des doses élevées. Le dosage le plus fréquent est de 10 mg. En France, la mélatonine en tant que médicament peut être délivrée sans ordonnance si sa dose est inférieure à 2 mg par comprimé. A partir de 2 mg uniquement sur ordonnance. Une étude a démontré que des sujets testés prenant 2 milligrammes de mélatonine – que ce soit au cours d’une courte ou d’une longue période – ne présentaient ni dépendance, ni intolérance, ni symptômes de sevrage.10

 

Aller plus loin : Indispensable mélatonine, Brigitte Karleskind, Thierry Souccar Editions.

 

Source(s):
  • [1] A B Dollins, I V Zhdanova, R J Wurtman, H J Lynch, M H Deng. Effect of inducing nocturnal serum melatonin concentrations in daytime on sleep, mood, body temperature, and performance. Proceedings of the National Academy of Sciences Mar 1994, 91 (5) 1824-1828; DOI: 10.1073/pnas.91.5.182
  • [2] . Spiegel K., Tasali E., Leproult R. & Van Cauter, E. Effects of poor and short sleep on glucose metabolism and obesity risk. Nature reviews 2009; 5: 253-261.
  • [3] SpiegelK., TasaliE., PenevP. & Van Cauter, E. Sleep curtailment in healthy young men is associated with decreased leptin levels, elevated ghrelin levels, and increased hunger and appetite. Ann Intern Med 2004;141: 846-850.
  • [4] Spiegel K., et al. Leptin levels are dependent on sleep duration: relationships with sympathovagal balance, carbohydrate regulation, cortisol, and thyrotropin. The Journal of clinical endocrinology and metabolism 2004; 89: 5762- 5771.
  • [5] Karolina Szewczyk-Golec, Paweł Rajewski, Marcin Gackowski, Celestyna Mila-Kierzenkowska, Roland Wesołowski, Paweł Sutkowy, Marta Pawłowska, and Alina Woźniak. Melatonin supplementation lowers oxidative stress and regulates adipokines in obese patients on a calorie–restricted diet. Hindawi. June 2017.
  • [6] Ziye Xu, Wenjing You, Jiaqi Liu, Yizhen Wang, Tizhong Shan, Elucidating the Regulatory Role of Melatonin in Brown, White, and Beige Adipocytes, Advances in Nutrition, Volume 11, Issue 2, March 2020, Pages 447–460, https://doi.org/10.1093/advances/nmz070
  • [7] Jiménez-Aranda A, Fernández-Vázquez G, Campos D, Tassi M, Velasco-Perez L, Tan DX, Reiter RJ, Agil A. Melatonin induces browning of inguinal white adipose tissue in Zucker diabetic fatty rats. J Pineal Res. 2013 Aug 12. doi: 10.1111/jpi.12089.
  • [8] Danilov A, Kurganova J. Melatonin in Chronic Pain Syndromes. Pain Ther 2016;5(1):1-17. 
  • [9] Lanoix et al. (2013) - DOI: 10.1016/j.mce.2013.07.010
  • [10] Lyseng-Williamson KA. Melatonin prolonged release: in the treatment of insomnia in patients aged ≥55 years. Drugs Aging. 2012 Nov;29(11):911-23. doi: 10.1007/s40266-012-0018-z. PMID: 23044640.

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