Il est impératif de manger gras après un infarctus

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Par Magali Walkowicz publié le
Diététicienne-nutritionniste, journaliste et auteure

Des graisses qui abîment ou réparent le cœur ? Votre médecin vous a dit de les fuir comme la peste sous peine de récidiver inévitablement. Selon la science ce conseil serait dangereux. Pourquoi et comment ? On fait le point pour vous.

Le corps humain est une machine passionnante où chaque organe travaille à une ou plusieurs tâches précises, de manière précise, parfois en relation avec d’autres organes. Lorsque le cœur est endommagé par un infarctus, la rate, organe qui joue essentiellement un rôle immunitaire, intervient alors pour éliminer l’inflammation. Elle envoie vers le cœur des cellules immunitaires pour favoriser la réparation cardiaque. Ce mécanisme, essentiel, a certains besoins bien précis, selon une équipe de chercheurs de l’Université de Floride du Sud1 (Tampa).

Rate, rein et graisses : un combo indispensable

L’étude des chercheurs transatlantiques a été menée sur des modèles animaux : 100 souris. Durant 12 semaines, elles ont été nourries d’aliments transformés riches en oméga-6.  Puis 50 d’entre elles ont ensuite suivi un régime enrichi en acide docosahexaénoïque (DHA), un type d’acide gras oméga-3 pendant les huit semaines suivantes avant de subir une chirurgie conduisant à un infarctus. Conclusion : le DHA est nécessaire aux enzymes de la rate pour éliminer l’inflammation dans un cœur endommagé par un infarctus et augmenter la survie suite aux lésions cardiaques.   

L’étude est expérimentale, mais ce mécanisme est soutenu par des données cliniques. Notamment l’étude de Lyon, conduite entre autres par Michel de Lorgeril, qui a montré une baisse de la mortalité chez des patients cardiaques, suivant un régime méditerranéen riche en oméga-3 végétaux. Ou encore l’étude dirigée par Raymond Y. Kwon, du service de cardiologie de l’hôpital de Boston, où les oméga-3 ont permis au cœur des 360 Américains ayant eu une crise cardiaque, de mieux se contracter, tout en réduisant la fibrose dans la région endommagée et les marqueurs de l’inflammation2.

Les auteurs de la grande étude Pure (Prospective Urban Rural Epidemiology), concernant les effets des graisses sur la santé, indiquent que les recommandations nutritionnelles actuellement en vigueur partout dans le monde devraient être reconsidérées. Cette étude parue dans The Lancet du 28 août 20173 est une vaste étude épidémiologique de cohorte portant sur l’alimentation de 135 335 personnes âgées de 35 à 70 ans, recrutées entre janvier 2003 et mars 2013, dans 18 pays, sur 5 continents, avec une médiane de suivi de 7,4 années. Le groupe de recherche a conclu à l’absence de bénéfice en termes de mortalité d’une consommation importante de fruits et légumes, à l’association d’une consommation élevée de glucides avec risque accru de mortalité et à un effet protecteur des graisses (y compris saturées) sur la mortalité cardiovasculaire

Attention, toutes les graisses ne se valent pas dans la réparation du cœur en post infarctus.

Les oméga-6, très présents dans les aliments transformés, les corps gras déséquilibrés (huiles et margarines de maïs, tournesol, pépins de raisin, soja), les produits céréaliers industriels, mais aussi les œufs et la viande venant d’animaux nourris avec des céréales et des tourteaux d’oléagineux trop riches en oméga-6, peuvent entraîner une inflammation résiduelle de la rate, des reins, du cœur et la biosynthèse de médiateurs pro-inflammatoires après un infarctus, selon l’étude des chercheurs de l’Université de Floride du Sud. Ce qu’avait déjà démontré La Sydney Diet Heart Study, menée dans les années 60/70 sur plus de 400 patients. Les acides linoléiques oméga-6 sont indispensables au corps humain, mais dans un ratio entre oméga-6 et oméga-3 proche de 1. Ce qui est rarement le cas. En moyenne, la consommation d’oméga-6 est aujourd’hui 10 à 15 fois supérieure à celle d’oméga-3. 

Une consommation élevée d’acide gras trans triple le risque d’infarctus chez les femmes qui souffrent déjà d’une maladie cardiovasculaire selon les chercheurs de l’école de santé publique d’Harvard qui ont suivi 87 000 femmes pendant plus de 26 ans4. Les acides gras trans qui augmenteraient le risque de troubles du rythme cardiaque, un facteur favorisant le risque d’infarctus, sont produits lors de l’hydrogénation des graisses végétales et sont présents dans de nombreux produits industriels. 

Si tous les oméga-3 apparaissent bons pour le cœur, les ALA (acide alpha linoléique) issus des végétaux, les EPA et les DHA (que l’on trouve dans les poissons gras abondamment - de nombreuses études confirment ce lien - les DHA semblent avoir un pouvoir protecteur, réparateur supérieur chez des hommes et femmes à risque de maladie cardiovasculaire selon une équipe de l’Institut sur la nutrition et les aliments fonctionnels (INAF))5 . Le DHA produit des effets bénéfiques plus prononcés sur la pression sanguine diastolique, la concentration de triglycérides, le cholestérol et certains marqueurs de l’inflammation. 

En pratique après un infarctus : 

  • Mangez des poissons gras au moins trois fois par semaine tels les sardines, maquereaux, harengs, anchois, foie de morue, en favorisant des cuissons douces. Frire ou griller le poisson serait au contraire néfaste pour le cœur et les artères, car endommage les oméga-3. 
  • Consommez des œufs de poules plein air, nourries aux graines de lin riches en oméga 3. Jusqu’à 3 par jour.
  • Prenez des suppléments d’huile de poisson d’avantage dosés en DHA. Attention, il peut y avoir des contre-indications à ces compléments, notamment en cas de traitement anticoagulant. D’après une étude, il faudrait mieux prendre toutes les gélules de la semaine en une fois plutôt que de prendre une pilule par jour. 
  • Mangez des fruits à coque, 30 g par jour est une habitude associée à moins d’infarctus et d’AVC6 selon une étude de Harvard. Selon eux, les noix, très riches en oméga-3, sont les meilleures de toutes pour la santé cardiovasculaire. 
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