De la conception au développement de l’enfant : les effets néfastes des perturbateurs endocriniens

femme enceinte
De la conception au développement de l’enfant : les effets néfastes des perturbateurs endocriniens
Par Anaïs Martinez publié le
Journaliste
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En mars 2019, un colloque sur les perturbateurs endocriniens était organisé par La Fondation Léa Nature/Jardin Bio sous l’égide de la Fondation de France et de l’association Générations Futures. A cette occasion, les effets de ces produits chimiques sur la fertilité, la grossesse et la croissance de l’enfant ont été abordés. Alors, quels sont les véritables risques ? Éléments de réponse.

Bisphénol, glyphosate, chlordécone…  Pas une semaine sans qu’une nouvelle étude suggère les effets délétères des pesticides et perturbateurs endocriniens sur l’organisme.

Ces substances ont des impacts sanitaires importants affirme Pierre-Michel Périnaud, médecin généraliste et président de l’association "Alerte des médecins sur les pesticides"*. Une question reste cependant en suspens : les scientifiques essayent de déterminer quelle est la part des PE dans le développement de ces pathologies, mais à ce jour, le nombre de maladies exactes provoquées par ces produits reste inconnu. Par ailleurs, la cause des différentes maladies n’est généralement pas imputée aux PE par les médecins.

Pourtant, pour Pierre-Michel Périnaud "Il y a quatre types de pathologies causés par les PE". On retrouve "les cancers hormono-dépendants (lorsque les hormones jouent un rôle dans le développement des cellules cancéreuses, comme le cancer du sein, de la prostate etc.); le diabète, l’obésité et les troubles du comportement comme l’autisme, troubles de l’attention, hyperactivité", ajoute le Docteur Périnaud. Enfin, il y a les problèmes de fertilité, qui touchent à la fois les hommes et les femmes.

Les PE fragilisent la fertilité

Le docteur Pierre-Michel Périnaud est formel. Les perturbateurs endocriniens entraînent des "troubles de la fertilité masculine et féminine, même si la fertilité féminine est moins étudiée. Il reste aussi à documenter la puberté précoce qui touchent 10 fois plus de filles que de garçons", indique-t-il.

Paul François, céréalier et président de l’association Phyto-Victimes**, atteint d’un cancer suite à une exposition accrue à un pesticide commercialisé par Monsanto, raconte : "Jamais le nombre de demandes auprès de l’association n’a été aussi grand. On vient aussi me voir pour des problèmes de fertilité." Sujet qu’il connaît personnellement. C’est aussi très tabou dans les familles car on se rend compte que les enfants d’agriculteurs peuvent aussi avoir des problèmes de santé, "alors qu’ils n’ont rien demandé". En effet, l’association reçoit des demandes d’une nouvelle catégorie de personnes : "les non-agriculteurs" alors que l’association ne s’adresse qu’aux professionnels à l’origine. Mais leurs enfants sont aussi concernés.

Malformations congénitales et risques de cancer à la naissance ... ou plus tard

L’exposition in utero à certains perturbateurs endocriniens peut avoir des effets catastrophiques. Paul François évoque l’histoire de parents ayant un enfant hermaphrodite, né avec une atrophie du pénis. "Il y a des enfants avec des malformations et aussi des cancers qui se développent", ajoute l’agriculteur. Avec émotion, il confie qu’il a appris qu’une famille a perdu son fils de 8 mois suite à un cancer. Et les recherches sont nombreuses sur le sujet.

Docteur Périnaud explique qu'en 2015, des études scientifiques ont montré que les femmes exposées in-utero à du DDT (un produit chimique utilisé comme insectide et interdit depuis les années 1970), par le biais de leur mère, avaient 4 fois plus de risques de développer un cancer du sein (cancer hormonodépendant). Un constat corroboré récemment par une nouvelle étude publiée par Journal of the National Cancer Institute (13 février 2019), dévoilant que les femmes exposées au DDT de 3 à 13 ans présentaient le plus grand risque de cancer du sein avant et après la ménopause, selon la période d’exposition.

"On observe également une explosion des troubles autistiques", poursuit le docteur Périnaud. "Il y a aussi des preuves scientifiques qui montrent l’effet des pesticides organophosphorés (comme le glyphosate) sur les hormones thyroïdiennes". L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) note que sur les 287 pesticides existants dans l’agriculture, 101 sont des perturbateurs de la thyroïde. Or, cette glande joue un rôle très important. La thyroïde produit les hormones nécessaires au bon fonctionnement des organes vitaux de l’organisme.

Se protéger durant la grossesse et préserver son bébé

Même en prenant soin de limiter son exposition, il est difficile d’éviter complètement les perturbateurs endocriniens. En effet, ces substances sont omniprésentes dans la vie courante. On les retrouve "dans les résidus de pesticides, dans les emballages et contenants alimentaires, dans l’ameublement, les jouets d’enfants, les vêtements et même dans les excipients de médicaments et les sièges de voiture", précise le Docteur Périnaud. Que l’on projette ou non d’avoir un enfant, il est essentiel de les éviter. Car une exposition précédant une grossesse peut avoir un impact négatif.

Aujourd’hui, il existe des formations de prévention dans les maternités notamment grâce au projet "Nesting", élaboré par l’association WECF France (Women Engage for a Common Future). Emilie Delbays, responsable Santé Environnement, explique qu’elle coordonne les ateliers de sensibilisation auprès des femmes enceintes. Le but: les guider pour qu’elles offrent à leur nouveau-né un environnement et intérieur sain, sans polluants chimiques. La formation se déroule sur six jours pour modifier les comportements inadaptés. "C’est très dur de changer et on n’a pas forcément conscience de la dangerosité", dit-elle.

Une fois à la maison avec son bébé, il est également important d’adopter les bons gestes et de bannir tous les produits d’hygiène ou ménagers toxiques. On opte pour des gammes bio, à la liste d’ingrédients la plus courte possible.

Récemment, l’Ansm a également alerté sur le fait que les produits cosmétiques non rincés contenant du phénoxyéthanol ne doivent pas être utilisés pour le change des enfants de moins de 3 ans. Et pour cause, ils sont soupçonnés d’effets toxiques pour la reproduction.

D’après une récente étude évoquée par Docteur Périnaud, les biberons fabriqués en polypropylène au sein de l’UE sont susceptibles d’entraîner des migrations de particules issues du plastique. Pour les chercheurs, elles "étaient responsables de perturbations endocriniennes". Le Docteur Périnaud conseille ainsi aux parents d’utiliser des biberons en verre pour limiter les risques.

Même s’il existe des réglementations strictes notamment quand les matériaux en plastique sont au contact alimentaire, les perturbateurs endocriniens peuvent aussi se retrouver dans les cosmétiques, les jouets pour enfants etc. D’où l’importance de toujours vérifier le pays de fabrication pour s’assurer que les produits répondent, au moins, aux normes de l’Union européenne. A éviter également : les jouets trop anciens pouvant contenir des substances aujourd’hui prohibées.

* "Alerte des médecins sur les pesticides" permet de lancer des alertes et de proposer aux médecins différents outils afin d’être mieux informés sur les perturbateurs endocriniens et leurs impacts.

**Association informant sur le danger des produits phytosanitaires et venant en aide aux professionnels victimes des pesticides

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